Artiste-peintre franco-israélienne ayant étudié aux Beaux-Arts de Paris, Nathanaëlle Herbelin expose en ce moment ses tableaux au musée d’Orsay. De ses tableaux entrelacés avec ceux de Bonnard, Vuillard ou Vallotton, l'exposition Être ici est une splendeur, titre emprunté à un ouvrage de Marie Darrieussecq consacré à l’artiste allemande de la fin du XIXe siècle Paula Modersohn-Becker, est visible jusqu’au 30 juin au deuxième étage du musée d'Orsay. Chez chacun, traitement, sujet et couleurs diffèrent, mais entretiennent une cordiale camaraderie. Paysages vides, solitude, abandon, corps nus confiés aux regards, intimité, maternité, chats ou objets du quotidien vous salueront de leurs murs respectifs. Une plongée nourrissante chez les Nabis et leur attentive héritière.
Une héritière des Nabis
Les Nabis, c'est un mouvement assez court, qui dure de 1890 à 1900, et qui s'organise autour du tableau "Le talisman" de Paul Sérusier. En 1888, Sérusier forme le groupe des Nabis avec ses proches amis Bonnard, Denis, Vuillard. Nabi, ça veut dire prophète en hébreu. Nathanaëlle Herbelin se sent elle une héritière des Nabis ? "Je me sens héritière des Nabis. Et je pense que les peintres sont un tout petit peu prophètes. Les artistes arrivent avec des idées très étranges, au premier abord ils ont l'air souvent ridicules ou fous, et en fait on découvre qu'ils avaient raison. [...] Et ensuite, je suis beaucoup allée chercher, comme les Nabi, ce que j'ai sous le nez. Donc peindre les intérieurs, n'importe lesquels, peu importe le décor en fait, juste faire avec ce qu'on a pour toucher un réel commun."
Nathanaëlle Herbelin a trouvé beaucoup de solutions techniques pour sa peinture, en s'inspirant des Nabis. Elle n'a pas eu besoin de dessiner au musée d'Orsay car elle a une mémoire visuelle : "C'est un petit choc que j'ai quand je regarde le tableau et j'ai besoin de comprendre comment ça a été fait. J'ai cette capacité de peindre avec les yeux dans ma tête." Elle revient ensuite à son atelier avec ce savoir.
Il y a cependant des dissemblances entre son travail et celui des Nabis : "J'ai un truc qui est un peu différent des Nabis, c'est que j'ai des tableaux qui sont un peu plus durs, qu'on n'a pas forcément inclus dans l'exposition. Il y a une partie de moi qui n'est pas complètement Nabi." Elle dit aussi avoir envie de s'émanciper des Nabis pour ces prochaines œuvres.
La maternité dans la peinture
La maternité est un thème traité par Paula Modersohn-Becker, par Marie Darrieussecq dans certains de ses livres, et par Nathanaëlle Herbelin. Il y a notamment le tableau "Mère et enfant" de Paula Modersohn-Becker et le tableau "Allaitement" de l'invitée, qui peut lui faire écho, et sur lequel on la voit avec sa fille, toutes deux nues dans une baignoire. Elle a peint ce tableau d'après une photo, prise par son compagnon : "Je m'en suis rendu compte en peignant, mais j'ai tellement peint le visage de ma fille, car je voulais tellement que ce soit exactement elle, exactement ses yeux, exactement ses pieds, exactement ses cuisses. Et du coup, c'est devenu comme un Vallotton, très net, très exact. Et ça allait super bien avec l'exposition."
Elle raconte que la maternité est tout à fait compatible pour elle avec le fait d'être peintre : "En fait, j'avais peur de la relation peinture-enfant. Et depuis que ma fille est arrivée, c'est génial, ça m'a vraiment prouvé qu'on peut tout faire. Je peins entre les machines. Je fais des pâtes et je fais des tableaux en même temps, et ça me va super bien. Et d'ailleurs, je peux même allaiter et peindre en même temps, c'est incroyable. Et je veux le montrer aux autres femmes dans le monde de l'art, car ce n'est pas très à la mode de faire des enfants, parler de ses enfants, envoyer des images de ses enfants, etc. C'est possible, il faut faire tout ce dont on a envie, si on en a envie, et surtout, si on n'en a pas envie, c'est cool aussi."
🎧 Pour en savoir plus, écoutez cet échange passionnant...
Archives diffusées :
Nous pouvons entendre la voix de Marie Darrieussecq, autrice à l'origine du titre Être ici est une splendeur au micro de Kathleen Evin dans l'émission L'Humeur Vagabonde sur France Inter en 2016. Nous entendons également quelques notes d'Ultra moderne solitude d'Alain Souchon.
Découverte de l'invitée :
Nathanaëlle Herbelin partage quelques phrases lues du livre pour enfant On a trouvé un chapeau (2016) de Jon Klassen.
Choix musical de l'invitée :
Charlie Megira – Tomorrow's Gone
Programmation musicale :
Lala &ce – Jalouse
Miski – My love mine all mine