Dans "Le Mal joli", Emma vit une passion sexuelle dont elle raconte les détails, souvent avec humour. Et cette passion sexuelle devient amoureuse - même si, à plusieurs reprises, Emma affirme ne pas vouloir écrire un roman d'amour.
L'amant d'Emma est écrivain lui aussi, et son patronyme contient deux particules : Antonin de Quincy d'Avricourt. Elle, "l'intello précaire" comme elle l'écrit, et lui, l'aristo. Comme Emma vit dans un village du sud de la France, avec son mari et ses deux jeunes enfants, elle avait d'abord opté pour un amant local plus pratique avant qu'Antonin n'envahisse ses pensées, ses actes et ses écrits.
Arnaud Viviant : "Une alternative tout à fait efficace à Youporn"
En citant Colette, Arnaud Viviant catégorise assez bien la littérature d'Emma Becker : "les bouquins de cul". Il est vrai que la tradition de la littérature érotique s'est un peu perdue. "Je trouve très réjouissant de voir quelqu'un écrire de manière tout à fait décomplexée sur la sexualité dans un moment où l'air de rien, la sexualité, ça paraît un peu plus compliqué socialement que ça a pu l'être, disons, dans les années 1970 pour donner une échelle."
Elisabeth Philippe : "C'est très cru et en même temps c'est très gracieux"
Emma Becker décrit l'anatomie d'une passion. Et l'anatomie de son amant par là-même. Élisabeth Philippe reconnaît à l'auteur ce talent d'écrire sur le sexe de manière à la fois très crue et très voluptueuse : "Elle décrit, elle dissèque vraiment toutes les étapes d'une passion : la rencontre, l'addiction. Il y a aussi le manque, l'attente, les sextos très littéraires qu'ils s'envoient, c'est autre chose qu'une succession d'emojis 'aubergine'. Et puis vient ensuite la double vie, le mensonge, l'adultère, et puis le sentiment de culpabilité. Il y a de très belles pages sur ce que c'est que d'être une femme adultère quand on est mère.
Ce qui me retenait dans les livres d'Emma Becker, c'est le manque de mise en forme, le manque de structure. Il n'y a pas plus de structure dans ce livre-là. Mais ça correspond parfaitement à la description de la passion amoureuse."
Raphaëlle Leyris : "Ce que je trouve le plus réussi, ce sont les ratages"
Il vous est déjà arrivé de recevoir les confidences d'amis. Au début, on est flatté, puis lorsqu'ils sortent tous les textos et tous les mails, on peut rapidement perdre patience. C'est exactement ce que décrit Raphaëlle Leyris à la lecture du roman d'Emma Becker : "J'admire son écriture et sa conception absolutiste de la littérature comme lieu où se mettre à nu. Donc, vraiment, d'un point de vue théorique et intellectuel, j'adhère au projet. Mais, comme lectrice, alors peut-être que c'est à mettre sur le compte d'une jalousie terrible à l'égard de ses orgasmes ininterrompus, ce que je trouve plus réussi, ce sont les ratages. De même que les parties où elle prend un petit peu de distance."
Jean-Marc Proust : "Une confession du XXIᵉ siècle"
Pas de référence à Youporn pour Jean-Marc Proust, mais plutôt un petit côté 'tutos' qui peut vous éviter de faire des recherches gênantes sur internet : "Il suffit de se plonger dans le roman d'Emma Becker. On a l'anulingus : on sait centimètre par centimètre ce qu'on va y trouver. C'est quand même très pratique. De la même manière avec la poire à lavement. Vous avez des tutos sur internet pour aider à monter les étagères, elle vous donne le tuto pour vous nettoyer avant l'enculade." Et pourtant, Emma Becker ne semble pas s'inscrire dans une tradition de la littérature érotique qui est celle de la lumière tamisée : "Elle fait une sorte de selfie permanent du moment où elle fait l'amour. Dès qu'elle a fini, elle fonce au bistrot et elle écrit ce qu'elle a fait."
