Formée au Conservatoire de Saint-Germain-en-Laye, Florence Loiret Caille fait ses débuts au cinéma dans un court-métrage d'Erick Zonca, Seule, en 1996. Son talent repéré, elle poursuit ensuite sa formation de jeune actrice avec Michael Haneke dans deux films, Code Inconnu (2000) et Le temps du loup (2003). Mais c'est avec Trouble Every Day (2001) de Claire Denis qu'elle explose, au cours d'une scène de cannibalisme mémorable. La réalisatrice devient une de ses cinéastes fétiches, la retrouvant à quatre reprises. C'est aussi le cas de Jérôme Bonnell, avec qui elle travaille sur trois productions, dont Le Chignon d'Olga (2002), le premier film du réalisateur. Cette fidélité témoigne de la sensibilité de Florence Loiret Caille à l'esprit de troupe et de solidarité au cinéma. Un esprit qu'elle retrouve avec la réalisatrice américano-islandaise Sólveig Anspach dans deux films aussi drôles que touchant : Queen of Montreuil (2013) et L’effet aquatique (2016). Elle forme dans ce dernier un magnifique duo avec Samir Guesmi, à la hauteur de ses compagnonnages remarqués avec Guillaume Depardieu dans Au voleur (2009) de Sarah Leonor et avec Jamel Debbouze dans Parlez-moi de la pluie (2008) d’Agnès Jaoui. C'est pourtant son rôle de Marie-Jeanne Duthilleul dans la série Le bureau des légendes, dirigée par le showrunner Eric Rochant, qui lui assure une pleine reconnaissance populaire.
À l'occasion de la sortie du film de Stéphane Marchetti, La tête froide, dont le sujet est l'immigration illégale, Florence Loiret Caille, qui assure le premier rôle, revient sur son parcours et nous dévoile les ficelles de son métier.
"Mon désir d'être actrice est né dans les rizières"
Florence Loiret Caille est née à Paris, mais elle passe l’essentiel de son enfance en Indonésie, à Jakarta puis Bornéo, avec un passage au Caire. La France, elle la connaît surtout pendant les vacances. Dans le Béry, la maison de sa grand-mère Madeleine Caille, un nom qu’elle a ajouté au sien, Loiret. Son enfance est donc marquée par cette double culture : indonésienne, puisqu'elle vit dans ce pays, mais aussi française, par les livres. Son imaginaire se nourrit aussi bien du théâtre masqué balinais que des livres de Duras ou d’Albert Cohen.
La comédienne témoigne : "Ma vocation d'actrice vient de l'Indonésie. Mon attrait pour le cinéma vient des rizières, des spectacles balinais, de ses danses… De ma grand-mère aussi, des maisons d'écrivains qu'elle me faisait visiter, de cet endroit dans le Béry. C'est quelque chose qui était en dehors de moi."
À 17 ans, Florence Loiret Caille va voir Les Atrides, d'après Euripide et Eschyle montées par Ariane Mouchkine à la cartoucherie de Vincennes en 1990 :
Florence Loiret Caille se souvient : "Lorsque je suis entrée dans ce théâtre, j’ai eu une révélation. Il se passait tant de choses : les acteurs servaient à manger aux spectateurs. Ils se préparaient derrière la scène. Puis les chants, les danses… J’ai eu l'impression d'être entrée dans un temple. J'ai eu l'impression que cet endroit réunissait tout ce qui m'avait manqué jusque-là."
La primauté de l'état
C’est l’écran, petit et grand, qui lui offre le plus de rôle, même si, au départ, Florence Loiret Caille ignore tout de la façon dont se déroule un tournage. Quand elle tourne Seule, court-métrage d’Eric Zonca, (1997) préfiguration du long métrage qui deviendra La vie rêvée des anges, (1998) elle ne sait même pas que l’on peut faire plusieurs prises…
Florence Loiret Caille reconnait : "Tout à fait, je ne savais pas qu'on pouvait refaire les prises. Je donnais tout, tout de suite. C’est comme ça que j'ai eu mes premiers rôles."
Au fil des années, Florence Loiret Caille a développé une technique de jeu qui privilégie l'instant : "C’est l'état dans lequel je me trouve qui me guide. Après, je peux faire plusieurs prises. Dans la série "Le Bureau des légendes" (2015), par exemple, je faisais une prise pour mon référent Éric Rochant, une prise pour la caméra et une prise pour moi. Mais comme une prise, justement, c'est aussi du temps qui a lieu après, j'ai beaucoup de mal avec cet espace-là où on doit refaire exactement les mêmes choses. En fait, ça m'angoisse énormément."
C'est pourquoi Jérôme Bonnell est l’un des réalisateurs fétiches de Florence Loiret-Caille qui a tourné trois fois avec lui dans Le Chignon d’Olga (2002), J’attends quelqu’un (2007), La Dame de Trèfle (2010). Elle justifie : "Pour moi une prise doit être la continuation d'une conversation. Jérôme Bonnell laissait beaucoup tourner la caméra après les dialogues. Ça laisse la porte ouverte à plein d'autres choses, à l'inattendu. Tourner c'est un peu comme vivre dans un pays étranger. On doit apprendre la langue du cinéaste, sa culture et on doit vivre un temps donné avec une collectivité que forme l'équipe du tournage."
Le mantra d'Éric Rochant : "Fais comme dans la vie"
Florence Loiret Caille tourne dans plusieurs séries télévisées. Mais c’est surtout son rôle de Marie-Jeanne Duthilleul dans la série Le Bureau des légendes (2015-2020), créée par Eric Rochant, qui la propulse sur petit écran. Le réalisateur tenait particulièrement au réalisme des séquences, une façon de soutenir l’émotion, de la susciter.
La comédienne raconte : "Quand j'avais des séquences un peu compliquées en salle de crise, il me rétorquait toujours : 'Fais comme dans la vie'. C’était son mantra. Quand je me regardais jouer, j'étais mauvaise. Il fallait que je crois sincèrement en ce que je jouais, en ce que j'incarnais, en ce que les autres incarnaient dans le bureau. Je pense que les rôles sont plus grands que nous. Nous, acteurs, ne sommes pas grand-chose à côté finalement."
Plus d'informations sur son actualité :
- À l'affiche de La tête froide de Stéphane Marchetti, en salles le 17 janvier. Avec Florence Loiret Caille , Saabo Balde , Jonathan Couzinié.
Synopsis : Dans les Alpes enneigées, en plein hiver. Pour boucler ses fins de mois, Marie, 45 ans, trafique des cartouches de cigarettes entre la France et l’Italie avec l’aide de son amant Alex, policier aux frontières. Lorsqu’elle rencontre Souleymane, jeune réfugié, prêt à tout pour rejoindre sa petite sœur, elle s’embarque dans un engrenage bien plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé.
Les sons diffusés pendant l'émission :
- Paul Lera, Clair de nuit, 1993
- Choix musical de l'invité : Bertrand Burgalat : La chanson européenne. Album : Rêve capital (2021) | Label : Tricatel
- Claire Denis au micro d’Émilie Chaudet dans une masterclasse France Culture le 09 mai 2020.
- Jérôme Bonnell dans Affaires Culturelles sur France Culture le 5 janvier 2022
- Solveig Anspach au micro de Rebecca Manzoni dans Eclectik sur France Inter le 17 mars 2013 à l’occasion de la sortie de son film Queen of Montreuil.
- Ariane Mnouchkine au micro de Laure Adler dans "L’heure bleue" sur France Inter le 23 juin 2020
- Éric Rochant au micro d’Olivia Gesbert dans une masterclasse France Culture le 14 août 2018.
Le son du jour : "All The Same" de Fat Dog
Chaque année, le Royaume-Uni se fait pourvoyeur de nouveaux groupes prêts à renverser la scène rock. Journalistes et fans se prennent d'une passion de bookmakers pour deviner qui sera le "next big thing". Qui, donc, est amené à succéder à Shame, black midi, Squid et Black Country, New Road, les derniers meilleurs groupes à venir en date ? Il semble que parmi l'armada de candidats, ce soit le groupe londonien Fat Dog qui ait les faveurs des pronostics. Récemment signés sur le label Domino, ils n'ont que deux singles à leur actif, mais ont déjà une fanbase solide, constituée au cours d'une tournée anglaise tonitruante. Leur style à la croisée du punk, de la techno et du klezmer a tout pour réussir, d'autant qu'ils sont accompagnés par James Ford, producteur historique d'Arctic Monkeys et de Depeche Mode. Alors véritable sensation ou feu de paille ? À vous de juger avec le morceau All The Same.