Voici deux frères, Tiberius et Caius Gracchus, les Gracques. Nous sommes à Rome, au IIe siècle avant Jésus-Christ. La République romaine connaît alors de terribles tensions sociales qui transparaissent dans la possession des terres. Les Gracques proposent de réformer tout cela, avec des conséquences considérables, et pas seulement de leur vivant : rends les terres, à Rome l’agriculture selon les Gracques.
Les Gracques et le défi de la réforme agraire
Les Gracques sont deux frères, Tiberius et Caius Gracchus. Issus de l'aristocratie romaine, ils sont élevés auprès de savants juristes et empreints de culture grecque. Tribuns de la plèbe au IIe siècle avant notre ère, ils marquent l'histoire de la République romaine en instaurant des réformes agraires qui visent à mieux répartir les terres italiennes et subvenir aux besoins des citoyens romains. La Lex Sempronia, promulguée par Tiberius en 133 avant notre ère, puis la loi frumentaire de Caius en sont emblématiques.
Dans la Rome du IIe siècle avant notre ère, il faut posséder des terres pour mener la guerre. Afin de conserver une armée ambitieuse, l'ager publicus – la terre publique – doit être mieux répartie pour permettre aux citoyens de subsister comme de porter les armes. Ces problèmes économiques cachent des problèmes sociaux, puisque "la société romaine est une société censitaire, c'est-à-dire que la place de chacun dans la société politique est déterminée par le montant de son patrimoine", rappelle l'historienne Clara Berendonner. La loi frumentaire, qui permet-elle aux habitants de Rome d'accéder à l'alimentation à moindres frais, s'inscrit dans ce programme.
La République romaine en difficulté
Le programme politique que les Gracques portent lors de leurs tribunats respectifs mène à leur perte, à dix ans d'intervalle. Tiberius en 133 avant notre ère puis Caius en 121 avant notre ère meurent lors d'affrontements avec leurs opposants, dont les plus farouches sont les sénateurs. Au-delà de la répartition des terres, c'est la répartition du pouvoir que les deux frères cherchent à amender. Selon l'historien Thibaud Lanfranchi, "ils n'ont pas prétendu faire une révolution. Ils ont plutôt prétendu sauver Rome, en maintenant les fondations de sa puissance. Ils ont une vision patriotique de leur réforme." Les auteurs antiques comme les historiens modernes font de l'opposition des Gracques au Sénat le point de départ de désaccords qui vont s'amplifiant avec les guerres civiles, jusqu'à la fin de la République en 27 après notre ère.
Pour en savoir plus
Thibaud Lanfranchi est maître de conférences en histoire romaine à l’Université Toulouse - Jean Jaurès et membre junior de l'Institut Universitaire de France.
Il a notamment publié :
- Les Mots de l'Antiquité après l'Antiquité, coécrit avec Corinne Bonnet, Presses universitaires du Midi, 2023
- Les Tribuns de la plèbe et la formation de la République romaine (494-287 avant J.-C.), Publications de l'École française de Rome, 2015
Clara Berrendonner est maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, spécialiste de l’histoire de la République romaine.
Elle a notamment publié :
- Gérer les territoires, les patrimoines et les crises, Le quotidien municipal II, codirigé avec Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2013
- Le Quotidien municipal dans l'Occident romain, codirigé avec Mireille Cébeillac-Gervasoni et Laurent Lamoine, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2009
Références sonores
- Lecture par Anne-Toscane Viudès d'un extrait des Guerres Civiles d'Appien, IX, 35-36, trad. P. Goukowski, Collection des Universités de France, 2008
- Archive de William Seston, professeur à la Sorbonne et membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1953
- Pastorale interprétée par Natalia Van Ravenstein, album Synaulia : Musique de la Rome antique, vol. 1, label Amiata Records, 1996
- Archive d'Abdelmajid Ennabli, historien et archéologue, conservateur du site archéologique de Carthage, RFI, 1987
- Extrait de la pièce Les Gracques de Jean Giraudoux, représentée en 1958
- Archive de l'historien Paul-Marie Duval, Heure de culture française, RTF, 1953
- Enregistrement de 1948 du Salve cistercien, tel qu’il était chanté avant l’adoption de l’antiphonaire et du graduel revisité au 20e siècle, réalisé à Citeaux
- Musique du générique : Gendèr par Makoto San, 2020