Le délai légal de l’IVG a suscité ces dernières années des polémiques. Fallait-il l’allonger ? Et si oui, jusqu’à quel terme de la grossesse, sachant que certains milieux féministes dénoncent toute opposition à cette demande comme rétrograde et conservatrice ? « Faire une interruption de grossesse à 14 ou 16 semaines, c’est pareil au plan éthique. Il faut et il suffit que la mère décide. Loin de moi l’idée d’obérer ce droit des femmes, pourtant il faut savoir que plus une IVG est tardive, plus elle est risquée pour la mère et, d’autre part, difficile à réaliser pour les médecins, puisque le fœtus est trop gros pour sortir dans une canule, il faut le sortir morceau par morceau. C’est lourd psychologiquement. On ferait mieux de prévenir les IVG »
Israël Nisand explique que le droit des femmes, selon lui, doit être mis en regard de deux autres droits : celui du fœtus et celui des médecins qui pratiquent des IVG tardives. Cette parole équilibrée lui attire les foudres aussi bien des milieux conservateurs que des ultra féministes. Au-delà de l’IVG, cette question est aussi celle du statut du fœtus. « Le fœtus juridiquement n’est pas une personne, pour autant il n’a pas zéro droit. On ne peut pas vendre un embryon à un labo cosmétique. C’est un être humain potentiel qui acquiert les droits de la personne, progressivement, avec des caps. Le cap de l’IVG, le cap de la viabilité, c’est-à-dire lorsqu’il peut survivre tout seul s’il vient à naitre prématurément, et puis le cap définitif du jour de sa naissance, c’est le moment où il acquiert 100 % des droits de la personne. »
Au cours de ses jeunes années de médecin, Israël Nisand est confronté à l’opposition de son hôpital à la recherche sur la Fécondation in vitro. L’histoire du premier bébé éprouvette ressemble à une sorte de compétition entre plusieurs équipes. Dès 1977, les Britanniques font naître la petite Louise Brown à la suite d’une insémination artificielle. En France, c’est l’équipe de René Frydman, à Clamart, qui parviendra à faire naître en 1982 la célèbre Amandine. Israël Nisand raconte quant à lui comment, à Strasbourg, une frilosité éthique, idéologique, voire religieuse, ne lui permet alors pas d’entrer dans la course, même si par la suite lui aussi sera l’auteur d’une première mondiale, certes moins spectaculaire et inconnue du grand public, dans ce domaine alors balbutiant de la F.I.V. Paradoxalement, ces oppositions idéologiques conduiront l’équipe de Nisand vers une première mondiale de prélèvement des ovocytes par voie vaginale. « Lorsque vous êtes confronté à toutes ces questions sur le fœtus, vous êtes obligé de réfléchir. Mais nul besoin de diplôme pour cela, chacun d’entre nous peut s’engager avec son bagage, sa culture, son niveau, il n’y a pas de réflexion éthique meilleure qu’une autre. Il faut en revanche justifier ses opinions et ses postures par des arguments. Ce qui peut d’ailleurs conduire à changer d‘avis au fil des années. »
Israël Nisand était d’abord opposé à la GPA (gestation pour autrui), au nom d’une méfiance quant à la marchandisation des corps. Puis, des témoignages de femmes privées d’utérus l’ont fait évoluer sur cette question. Il rappelle que la vocation première de la GPA est de traiter l’infertilité ovarienne ou l’absence d’utérus. « Les femmes vont à l’étranger pour pratiquer la GPA. Or, on pourrait très bien organiser un comité pluridisciplinaire encadrant la GPA pour cause médicale. Faisons le parallèle avec les dons d’organe ou les adoptions d’enfants ; En France, on les organise, on les surveille, ce qui empêche d’envoyer les Français faire n’importe quoi à l’étranger. Nous pourrions très bien faire de même avec la gestation pour autrui lorsqu’une femme a perdu son utérus. »
Générique
Une série d’entretiens proposée par Éric Lemasson. Réalisation : Yaël Mandelbaum. Prise de son : Virginie Lordat. Chargée de programmes : Daphné Abgrall.
Bibliographie
Parler sexe: Comment informer nos ados (Ed. Grasset, 2024 et en Livre de Poche en mai 2025)
Où va l'humanité ? Israël Nisand et Jean-François Mattéi (Ed. Les Liens qui Libèrent, 2013)
Et si on parlait de sexe à nos ados ? Pour éviter les grossesses non prévues chez les jeunes filles**,** Israël Nisand, Brigitte Letombe, Sophie Marinopoulos (Ed. Odile Jacob, 2012)
L’IVG, Anne-Laure Schillinger-Decker, Israël Nisand et Luisa Araújo-Attali (Ed. PUF-Que Sais-je ?, 2012)
Elles accouchent et ne sont pas enceintes. Le déni de grossesse, Sophie Marinopoulos et Israël Nisand (Ed. Les liens qui Libèrent, 2011)
9 mois, et caetera, Israël Nisand et Sophie Marinopoulos (Ed. Fayard, 2007)
Pour aller plus loin
D'abord ne pas nuire. Film d'Eric Lemasson
Naître ou ne pas naître. Film d'Eric Lemasson