Syracuse

René Descartes (1596-1650) semble être le philosophe détesté de notre époque. Nous avons du mal à comprendre aujourd'hui son sujet pensant, si souverain et si sûr du pouvoir de sa pensée, ou encore sa formule célèbre appelant l'homme à "se rendre comme maître et possesseur de la nature". Peut-être devrions-nous interroger nos idées reçues sur Descartes. Tel est l'un des enjeux de cette série d'émissions consacrée à ce philosophe. Dans le premier épisode, Géraldine Muhlmann et ses invités se demandent comment le cogito révèle une extrême arrogance.

Instituer par soi-même la vérité première

Dans la tradition philosophique grecque, la vérité ne peut être trouvée qu'en s'échappant du monde sensible. Or, comme le souligne Camille Riquier, Descartes marque une rupture dans la pensée : "par l'acte du cogito, il trouve une vérité fondamentale à disposition dans le monde sensible". L'homme devient capable "d'instituer par lui-même le premier principe de la connaissance". Ce geste majeur explique l'immense héritage cartésien dans la philosophie française : poursuivi ou remis en cause, il constitue l'interlocuteur majeur d'un "dialogue sans cesse renouvelé".

L'aplomb cartésien

Pour le philosophe Denis Kambouchner, le cogito, souvent résumé par l'expression "je pense donc je suis", est "l'emblème de l'aplomb cartésien". Mais derrière cette assertion se dissimule en réalité un travail de longue haleine. Comme il le souligne : "Descartes s'impose une longue préparation avant de produire sa propre philosophie". Le cogito est "le premier moment où une certitude émerge au sein de l'opération extraordinaire du doute hyperbolique, ou métaphysique". Porteur de cette prémisse certaine, le philosophe peut fonder une longue chaîne de vérités.

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Bibliographie

• René Descartes, Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637), édition de Laurence Renault, GF-Flammarion, 2016.
• René Descartes, Méditations métaphysiques (1641), édition de Michelle Beyssade et Jean-Marie Beyssade, GF-Flammarion, 2011.
• Denis Kambouchner, L’Homme des Passions. Commentaires sur Descartes, Albin Michel, Bibliothèque du Collège International de philosophie, 1995, 2 volumes. Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences morales et politiques.
• Denis Kambouchner, Descartes et la philosophie morale, éditions Hermann, 2008.
• Denis Kambouchner, Le style de Descartes, éditions Manucius, 2013.
• Denis Kambouchner, Descartes n’a pas dit, Les Belles-Lettres, 2015.
• Camille Riquier, Archéologie de Bergson, éditions PUF, 2009, réédition dans la collection Quadrige, 2021.
• Camille Riquier, Métamorphoses de Descartes. Le secret de Sartre, Paris, Gallimard, 2022.

Références sonores

• Archives de Paul Ricoeur, Institut Italien d'Études Philosophiques à Naples, le 30 janvier 1987
• Lecture par Jules Barbier d'un extrait de René Descartes, Quatrième partie du Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences (1637)
• Lecture par Jules Barbier de René Descartes, deux extraits tirés de la Deuxième Méditation, Méditations métaphysiques (1641)
• Lecture par Jules Barbier d'un extrait de Jean-Paul Sartre, La Nausée (1938)
• Chanson de Anne Sylvestre, "Les gens qui doutent", 1977

Le Pourquoi du comment : philosophie

Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.