Alors qu’un rapport du Haut Conseil à l’égalité parue en janvier 2023 évoquait une montée en puissance des théories sexistes sur internet, qu’est-ce qu’être une femme aujourd’hui sur nos plateformes ? Assistons-nous un backlash post #metoo sur les réseaux sociaux ou l’espace numérique est-il, par nature, un lieu discriminant pour les femmes et les minorités ? Comment, selon l’autrice, le web a-t-il été conceptualisé de manière sexiste ?
Des questions autour desquelles s'entretiendront François Saltiel et Mathilde Saliou, journaliste et autrice de Technoféminisme - comment le numérique aggrave les inégalités (Ed. Grasset, 2023).
Technoféminisme, un essai révélant les inégalités renforcées par le numérique
La récente sortie du documentaire “La Fabrique du Mensonge : Affaire Johnny Depp / Amber Heard, la justice à l’épreuve des réseaux sociaux" de Cécile Delarue expose la montée en puissance des mouvements masculinistes. Des mouvements qu’on a pu retrouver lors d’évènements tels que l’attaque du Capitole en janvier 2021, et qui sont décrits dans "Technoféminisme - comment le numérique aggrave les inégalités" (Ed. Grasset, 2023), premier essai de Mathilde Saliou, journaliste et invitée de François Saltiel.
Dans son ouvrage, l’autrice y expose les inégalités de genres et de nationalités présentes dans la société et entretenue par le numérique : "Je suis persuadée que la grille intersectionnelle est utile parce qu’elle permet de construire une vision plus complète de comment la tech, comment le numérique agit sur le réel, comment le numérique agit sur la société au sens large."
L’affaire Johnny Depp / Amber Heard : symbole du masculinisme
Le documentaire de Cécile Delarue expose comment ce procès a déchaîné une haine misogyne inédite sur les réseaux sociaux. Pendant plusieurs semaines, des groupes masculinistes se sont organisés en ligne, pour inonder Internet de fausses informations et dénigrer Amber Heard.
À propos de cette affaire, Mathilde Saliou explique : "Il faut vraiment voir que ces mouvements correspondent aussi aux logiques de complotisme et de désinformation qui existent dans d'autres sphères (…) ils modifient les faits, de sorte à pouvoir tourner en ridicule Amber Heard parce que c'est une femme et qu'il ne faut pas toucher à ce symbole masculin qu’est Johnny Depp."
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Les "incels", des antiféministes dangereux
Ces mouvements masculinistes sont entretenus par divers profils dont des hommes qualifiés d’"incels". Par cette appellation, ces derniers se désignent comme des célibataires involontaires, Mathilde Saliou indique : "Pour eux, c'est ordonné par la société : quand on est un homme, on doit avoir une femme. Donc déjà, c'est très hétérocentré. Et si on n'a pas de femme, c'est parce que les féministes ont pris le pouvoir et qu'elle vous empêche d'en avoir une."
Les "incels" sont aussi reconnus pour être radicaux et dangereux, ayant déjà perpétré des attaques contre les femmes, mais aussi contre des "minorités", comme l’a effectué Elliot Rodger lors de la tuerie d’Isla Vida. L’autrice ajoute : "Les idées misogynes poussées au maximum par les masculinistes, par les incels, sont un moyen d'attirer les personnes les plus instables vers des idées encore plus radicales. Ensuite, on peut mélanger ça avec des idées racistes, avec des thèses complotistes comme celle du 'Grand Remplacement', et ensuite, au nom de tout ça, parfois, ils basculent et vont commettre l'irréparable."
Invitée
Mathilde Saliou, journaliste et autrice de "Technoféminisme - comment le numérique aggrave les inégalités" (Ed. Grasset, 2023)
Cette semaine, retrouvez la chronique de Juliette Devaux en fin d'émission