Le mot “manichéisme” est entré dans le langage courant pour désigner une attitude qui conçoit le monde divisé entre le bien et le mal. En cela, les manichéens sont à considérer avec méfiance, par leur lecture simpliste du monde : les bons et les méchants ; le vrai et le faux ; le bien et le mal. Toutefois, le manichéisme, dans son sens premier, nous conduit entre l’Irak et l’Iran actuel, au IIIe siècle, avec le prophète Mani et sa manie de prêcher !
La jeunesse de Mani, prophète du manichéisme
En avril 216, Mani naît en Babylonie, dans le petit village de Mardinu. Dès l’âge de quatre ans, il grandit dans une secte baptiste que son père a choisi de rejoindre. Soumis à des règles de vie strictes et à un ascétisme rigoureux, le jeune Mani s’émancipe rapidement de ce groupe. À l’âge de douze ans, il a sa première révélation : son double, appelé "jumeau de lumière" apparaît, et l’enjoint à bientôt quitter les baptistes pour aller propager la véritable foi. Mani quitte les baptistes à l’âge de vingt-quatre ans et va prêcher à Ctésiphon, alors capitale de la Perse sassanide, puis "au pays des Indiens."
Une religion fondée sur les concepts de Bien et Mal
Le manichéisme se fonde sur l’idée que deux mondes, celui de la Lumière et des Ténèbres, coexistent et qu’il faut, en respectant un certain nombre de règles, agir de la manière la plus vertueuse possible pour se détacher de la matérialité du corps et rejoindre le royaume de la Lumière. "Pour les manichéens, le monde dans lequel on vit est ce temps médian du combat entre les principes du Bien et du Mal. Le Bien réagit au Mal en essayant de ne pas utiliser la violence. Les termes d’endurance et de souffrance sont souvent utilisés. La lumière se trouve enfermée dans les ténèbres, le but est de la libérer pour la faire remonter", explique Anna Van den Kerchove.
Syncrétisme de philosophies et de rituels juifs, chrétiens et bouddhistes, le manichéisme ne tarde pas à réunir un nombre important de fidèles. Le roi de Perse, Shabuhr Ier, apporte son soutien à Mani et encourage la propagation de cette nouvelle foi. La diffusion de la religion manichéenne se fait aussi par l’écrit : "Mani très rapidement se met à écrire un certain nombre de textes de genres différents : un Évangile, un Livre des Mystères, un Livre des Géants, un Livre des images. Il a très vite compris que les images avaient un rôle important dans la diffusion des idées. Les élus de la religion devaient d’ailleurs savoir lire et écrire. L'écrit participe à l’alphabétisation de la population."
Une religion qui finit par disparaître ?
Tout change au début des années 270. Vahram, héritier de Shabuhr, interdit le manichéisme afin de rétablir la religion zoroastrienne comme unique religion de l’empire. Les persécutions à l’égard des manichéens se multiplient et Mani est arrêté, supplicié, avant de mourir d’épuisement dans les cachots du roi en février 277. Pourtant, la mort du prophète ne marque pas la disparition de sa religion. La foi manichéenne continue de se propager, de l’Afrique romaine au Turkménistan, de la Bactriane à la Chine, où les communautés manichéennes se maintiennent jusqu’au Moyen Âge tardif.
Comment expliquer le succès du manichéisme ? Quels sont les grands mythes et récits de cette religion aujourd'hui disparue ?
Pour aller plus loin
- Anna Van den Kerchove, Hermès Trismégiste. Le messager divin, Éditions Entrelacs, 2017
- Anna Van den Kerchove, La Voie d’Hermès. Pratiques rituelles et traités hermétiques, Brill, 2012
Références sonores
- Extrait du film L'Âge de glace de Chris Wedge, 2002
- Archive INA d'Henri-Charles Puech au sujet de la naissance de Mani, Heure de culture française, RTF, 1949
- Lecture par Frédérique Labussière d'un extrait de l'Évangile de Mani, IIIe siècle
- Lecture par Frédérique Labussière d'un texte de saint Augustin
- Chanson de Mc Solaar, Le Bien le Mal, Jazzmatazz, 1993
- Archive INA au sujet des hymnes manichéens, Les racines du ciel, France Culture, 16 septembre 2012
- Archive INA d'Amin Maalouf sur la disparition du manichéisme, France Culture, 10 janvier 2003
- Musique du générique : Gendèr par Makoto San, 2020