Souvent, la BD cherche ses héros, des personnages emblématiques illustrant une cause. Militant pour l'environnement, la liberté de la presse ou celle de peuple opprimé, elle met en valeur des dissidents et des combats parfois oubliés.
Dolkun Isa, Pablo Fajardo et Taha Siddiqui sont trois hommes, trois militants, qui ont dédié leur existence à la dénonciation de la répression, des crimes, de l’impunité ou des travers d’un pouvoir corrompu. Chacun d'eux est l'incarnation d'un combat : celui des Ouïghours réprimés par la Chine -certains parlent de génocide culturel-, celui de communautés amazoniennes empoisonnées par une multinationale du pétrole, celui enfin d'un journaliste luttant pour la liberté d'expression. Des vies d’un engagement total au service d’un idéal, mais aussi portées par l’espoir de connaître un jour justice et réparations. Exil, pressions familiales, menaces... le prix de leur activisme est élevé. Exposés, médiatisés, ils ne sont pourtant pas seuls dans cette lutte. À leurs côtés, il y a une profession, une communauté et parfois tout un peuple.
Comment raconter la vie de ces hommes dont la trajectoire individuelle se confond avec l’histoire et la géopolitique de leur pays ? Comment résumer le combat d’une vie ? Quelles embûches, quelles déceptions, mais aussi quelles victoires ? Enfin, pourquoi avoir choisi la BD comme médium pour ce récit ?
Selon Damien Rondeau, le médium BD était idéal pour “raconter ce procès fleuve qui dure depuis plus de 30 ans, rappeler l’exploitation par la société Texaco devenue Chevron et mettre en scène les tractations secrètes et tous les éléments transmis oralement par les communautés empoisonnées par le pétrole”.
Selon Eric Darbré, raconter les Ouïghour par une BD centrée sur la figure de Dolkun Isa, un militant des droits de l'Homme, offrait plusieurs avantages, “c’était important de mettre un visage sur cette cause pour mieux l’incarner. Et puis je le connaissais depuis longtemps : j’ai vu son évolution et celle de son combat. Grâce à mes souvenirs, aux siens et à mes archives photos, on a pu reconstituer cette iconographie même si nous n’avions plus accès au terrain. Avec le dessin, il n’y a pas de limites : on peut faire des vues aériennes, des zooms, des gros plans avec une économie de moyens.”
C'est seulement à partir du récit de Taha Siddiqui que le dessinateur Hubert Maury a dessiné les personnages de Dissident Club : "ils devaient à la fois être les protagonistes de l’expérience humaine de Taha mais aussi les incarnations des problématiques géopolitiques soulevées : le papa représentait les financements saoudiens des mouvements islamistes, son oncle symbolisait le djihadisme ou le double jeu pakistanais, la jeune fille chiite dont Taha tombe amoureux était l’incarnation du clivage sunnite/chiite”.
Pour aller plus loin :
Références sonores & musicales
Une émission préparée par Amélie Perrot et Mélanie Chalandon.
