Emmanuel Macron doit annoncer ce jeudi matin lors d'une conférence de presse le retrait des troupes françaises et européennes du Mali, alors que les relations sont devenues très compliquées avec la junte au pouvoir à Bamako.
A-t-on le choix de quitter le Mali ? "Non", selon Jean Dominique Merchet, journaliste à l’Opinion, spécialiste de politique internationale et de Défense. "Ce sont des guerres que la France et l'Occident ne gagnent plus. Nous avons perdu la guerre contre le terrorisme au Mali et quand on a perdu la guerre, on n'a pas d'autre choix que d'arrêter."
Aujourd'hui, la question qui se pose, c'est d'empêcher les terroristes d'aller à Abidjan ou à Dakar. La menace se déporte plus au Sud et à l'Est
Pour Antoine Glaser, "on est dans une sorte d'anachronisme historique". "La France se croyait toujours un peu chez elle en Afrique. On pensait qu'on pouvait la contrôler, la gérer. Mais la force Barkhane s'est trouvée de plus en plus hors-sol par rapport aux considérations économiques, sociales" de la population.
Le dernier pays à tomber sera certainement le Tchad.
A quoi s'attendre désormais au Mali ?
Josep Borrell, Haut Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a déclaré sur France Inter que "si la France n'était pas intervenu au Mali, alors le Mali n'existerait plus, il se serait désintégré."
Selon Jean-Dominique Merchet, la situation au mali va surtout désormais "être l'affaire des Maliens, et non de Macron et de Borrell".
"On revient à une période pré-coloniale, avant l'arrivée des Européens, à la fin du XIXème siècle".
En revanche, le danger sur le sol français est à relativiser. "Il n'y a jamais eu la moindre menace terroriste sur le sol français depuis le Sahel. Ce n'est pas du tout la situation d'Irak et de Syrie, où des attentats ont été organisés depuis là-bas, chez nous", explique Jean-Dominique Merchet.
Il y aura vraisemblablement une forme de république islamique dans une partie du Sahel et il faudra s'en accommoder.
"La France se prend un coup de Boomerang", selon Antoine Glaser.
Comment va se dérouler le retrait des forces françaises ? Ce sera, selon Jean-Dominique Merchet, "une manœuvre logistique militaire très compliquée, car elle se passe dans des conditions sécuritaires compliqués". Selon lui ce n'est pas l'évacuation des 2500 hommes qui pose problème, mais celle du "matériel".
"Les djihadistes ne vont pas partir en vacances pendant que nous évacuons"
Autre grande crainte, celle de voir les populations manifester contre les Français, et leur départ du Mali. "Il y a à la fois une menace terroriste et une menace de manifestation. Les militaires disent qu'il faudra six mois à un an, je pense aujourd'hui que ces chiffres ne veulent rien dire", déclare Jean-Dominique Merchet.
Selon Antoine Glaser, "pour la jeune génération africaine", il y a "une sorte d'impensé coloniale." Emmanuel Macron a tenté d'instaurer un dialogue avec la jeunesse africaine", mais uniquement avec les premiers de cordée", détaille-t-il. Le contexte global "donne l'impression que la France n'a pas vu l'Afrique se mondialiser.
Comment est peçu ce retrait des forces français par l'opinion publique en France ?
"Je crois qu'il y a un sentiment assez profond dans l'opinion publique de déclassement", estime Jean-Dominique Merchet. "Le premier choc a été l'affaire des sous-marins en Australie, puis le départ du Mali et l'impuissance européenne dans la crise ukrainienne", énumère-t-il.
Il y a eu depuis cinq ans avec Emmanuel Macron beaucoup de communication politique. Aujourd'hui, les résultats ne sont pas là.
Selon Antoine Glasel, "il y a aussi un vrai problème pour la France. Elle a essayé de mobiliser ses partenaires européens sur le retrait du Mali, mais on ne les entend pas, à part Josep Borrell. Eux considèrent toujours que c'est une affaire franco-africaine." Au Sahel, la force Tabuka, constituée de soldats de divers pays de l'Union Européenne, est sous commandement français.
Début du 6e sommet Union Européenne-Union Africaine
Il réunit aujourd'hui et demain les 27 États membres de l'UE et 40 dirigeants africains à Bruxelles. Selon Jean Dominique Merchet "il ne faut pas en attendre grand chose". "Il n'en reste pas moins que le travail entre l’Europe et l’Afrique est indispensable. l’Afrique s'est mondialisée, donc les Européens doivent être en Afrique, mais absolument pas dans une relation post-coloniale. Il faut réinventer cette relation, elle doit passer selon moi davantage par Bruxelles".
D'autant que selon Antoine Glasel, la Chine et la Russie organisent de manière coordonnée leur positionnement dans la région. "Il y a une alliance en Afrique entre la Chine et la Russie. La Russie fait la sécurité et informationnel, et la Chine fait l'économie. On voit bien qu'ils veulent remplacer les puissances coloniales."