Le paludisme a d'une certaine façon protégé l’Afrique subsaharienne des invasions coloniales jusqu’au XIXe siècle, alors que la colonisation de l'Amérique latine par l’Europe a eu lieu, elle, dès le XVIe siècle. Ce sont d'ailleurs très probablement les Européens qui ont apporté le paludisme en Amérique latine, auparavant vierge de ces fièvres ; Christophe Colomb notamment était atteint du paludisme avant d’y accoster. Dès que les colons s’avancent au-delà du Maghreb, ils font face à une importante mortalité des cavaleries, des soldats, des généraux. C'est d'ailleurs à partir du moment où la quinine est maîtrisée comme médicament contre les fièvres que la colonisation de l'Afrique commence.
Le paludisme comme arme de guerre
Depuis le XXe siècle, on observe que la paludisme a eu des impacts et des conséquences considérables sur les guerres et les conflits de territoires :
Au cours de la Guerre de Sécession américaine (1861-1865) par exemple, les troupes confédérées du Sud ont su tirer profit de leur connaissance sur la saison de transmission du paludisme et de la fièvre jaune. Ces zones restaient impénétrables pour les soldats du Nord.
L’indépendance d’Haïti à partir de 1790
Suite à l'abolition de l'esclavage en Haïti en 1794, l'île nourrit des velléités d'indépendance vis-à-vis du pouvoir français. En 1802, Napoléon envoie 23 000 soldats pour "remettre de l'ordre" dans cette colonie. Au bout de trois mois, le chef des insurgés haïtiens, le général Toussaint Louverture, se rend. La France a gagné la partie, mais arrive la saison des pluies. Les troupes françaises s'amenuisent, décimées par les fièvres, et les rebelles haïtiens reprennent le contrôle de leur territoire.
- La guerre du Pacifique (1939-1945)
Au début de la Seconde Guerre mondiale, le Japon étend son contrôle jusqu'aux territoires indonésiens où est cultivé le quinquina, une plante efficace contre le paludisme. Ainsi protégés de la maladie, les Japonais prennent l'avantage. Mais les Américains parviennent à fabriquer la première molécule de synthèse dérivée de la quinine : la quinacrine. Conscients de l'enjeu, les Japonais mènent alors une campagne de désinformation à la radio, à destination des soldats américains. Les speakerines japonaises, surnommées les "Roses de Tokyo", diffusent l'idée selon laquelle cette molécule rendrait stérile. Les soldats américains refusent alors de prendre le traitement prescrit par l'armée. Les Américains finissent par contrôler les voies navigables vers l’Indonésie, privant l'accès des Japonais à la quinine. Et reprennent ainsi l'avantage.
Ainsi, si le paludisme a joué un rôle fondamental dans l'issue de certaines guerres, d'autres conflits ont été déterminants dans la recherche des antipaludiques.
Un podcast original en 4 épisodes de 15 minutes, raconté par l'épidémiologiste Renaud Piarroux, réalisé par Alexandra Kandy-Longuet.
Conseillère au programme : Camille Renard, avec la collaboration de Pascaline Bonnet. Documentaliste INA : Delphine Desbiens. Merci à Martine Piarroux.
