L'actualité du mois de septembre 2022 a été marquée par la mort de la reine Elizabeth et l'accession au trône de celui que nous avons longtemps appelé "le prince Charles" et qui est aujourd'hui le roi Charles III. Une chronique aurait pu être consacrée à ses glorieux prédécesseurs anglais, Charles 1er et son fils Charles 2 qui régnèrent au XVIIe siècle. Mais pour encourager une vision plus européenne de l'histoire, évoquons la figure de Charles IV, né en 1316. Issu de la dynastie occidentale des Luxembourg, il fut roi de Bohême, mais également empereur des Romains de 1355 à sa mort en 1378.
Comment un prince issu d'une dynastie de second rang comparée à ses puissants voisins, a-t-il pu accéder au rang d'empereur romain, cinq siècles après Charlemagne ?
Les historiens spécialistes de cette période ont apporté plusieurs réponses. La première tient aux liens que Charles IV a tissés dès l'enfance avec les grandes familles de l'aristocratie européenne. Alors que son nom de baptême était Venceslas (Václav en tchèque), il se fit appeler Charles IV, en hommage à son oncle par alliance qui était aussi son parrain, le roi de France Charles IV le Bel. Il vécut sept ans à la cour du roi de France pendant son enfance et épousa Blanche de Valois en 1323. Il séjourna ensuite au Luxembourg, puis en Italie, avant d'accéder au trône de Bohême.
Qui était Charles IV
Il joua un rôle très important dans l'histoire de l'Europe, parce qu'il déplaça progressivement le centre de gravité de sa souveraineté vers l'Est du continent. Il fut le véritable fondateur de la ville Prague (dont il fit sa capitale) et de son université. Parlant couramment cinq langues : le latin, l'allemand, le tchèque, le français et l'italien, Charles IV consolida sa stature de monarque européen en se déplaçant constamment d'une ville à l'autre. Dans la biographie qu'il a consacrée à cet empereur, Pierre Monnet* note que Charles IV a accompli, au cours de sa vie, plus 1200 déplacements dans 438 lieux différents.
Lettré, pieux, polyglotte et savant, il régna sur l'Europe dans les temps troublés de la Peste noire et de la guerre de Cent Ans. Il parvint néanmoins à consolider son empire en lui donnant une véritable Constitution : la Bulle d'or de 1356 qui fixa jusqu'en 1806 le mode de désignation de l'empereur. Pourtant, à la différence de Charlemagne et de Charles Quint, qui furent eux aussi sacrés "empereurs romains" et qui ont laissé leur nom dans nos livres d'histoire, Charles IV est tombé dans l'oubli. Il est vrai que sa mémoire a beaucoup souffert des usages politiques qu'en ont fait les nationalistes tchèques, et surtout les nazis qui l'ont présenté comme l'archétype du deutscher Kaiser, pour justifier l'annexion des Sudètes en 1938. (...)
Bibliographie :
* Pierre Monnet, Charles IV. Un empereur en Europe, Paris, Fayard, 2020.
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