Le 13 février 1911, le quotidien régional Le Midi socialiste ressemble à un bulletin paroissial quand il écrit : "Lorsque la religion du football aura remplacé celle de nos pères, on récitera au jour de la Passion (28 janvier, anniversaire d’un certain match France-Angleterre) comme on le faisait autrefois en souvenir du repas des Apôtres : En ce temps-là Brennus dit à ses disciples : celui qui, en même temps que moi mettre les pieds dans le plat, celui-là me trahira". La religion était l’opium du peuple, selon Karl Marx, mais qu’en est-il du football ?
Le football : nouveau sport populaire après le cyclisme
Né au XIXe siècle en Angleterre, diffusé par le biais d’associations toujours plus nombreuses et soutenu par une presse sportive en plein essor, le football détrône rapidement le cyclisme dans le cœur du public occidental. L’Empire britannique, désireux de recréer outre-mer le mode de vie de la mère-patrie, exporte ce sport populaire dans ses colonies et la passion du football dépasse largement les frontières du Vieux Continent.
Durant la première moitié du XXe siècle, le football se professionnalise, et se fait une place de choix dans les compétitions sportives internationales. Cet essor est soutenu par un réseau de fédérations et d’associations, mais aussi par certains partis politiques ou institutions religieuses qui, selon les régions du monde, y voient un intérêt : contrôle des masses populaires, éducation de la jeunesse par le sport, intérêt financier, "soft power"...
Un sport empreint de religiosité
Le langage et les rituels associés au monde du football empruntent largement au champ religieux : les supporters "communient" autour de leur club favori, les joueurs talentueux sont des "sauveurs" ou des "messies" qui font l’objet d’une véritable adoration… Cette association étroite n’est pas un hasard. En France, en Angleterre mais surtout en Italie, les institutions religieuses soutiennent et encouragent ce culte footballistique : l'AJ Auxerre joue en bleu et blanc car Marie était la "patronne" du club, tandis qu’en Italie le prêtre-entraineur devient un personnage archétypal de la péninsule.
Cette passion dévorante ne va pas sans critiques, et il n’est pas rare que les joueurs et les supporters fassent l’objet d’attaques virulentes, parfois placées sous le signe du racisme et du mépris de classe…
Comment le culte du football est-il apparu ? Pourquoi certains États et certaines instances religieuses ont-elles eu intérêt à fabriquer et diffuser cette religion du ballon rond ? Quelles sont les spécificités françaises de ce culte footballistique ?
Pour en parler
Fabien Archambault est spécialiste de l’histoire du sport au XXe siècle et maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Il a notamment publié :
François Da Rocha Carneiro est historien du sport, spécialiste de l'équipe de France de football, chercheur associé au CREHS (Université d'Artois) et vice-président de l'APHG (Association des Professeurs d’Histoire-Géographie).
Il a notamment publié :
Archives sonores
- Thierry Roland, commentateur de matchs de football, lors de la finale la Coupe du monde de football de 1998
- Lucien Gamblin sur le patronage et le football en 1903, Les Actualités, 1950
- Le cycle-ball, Alsace JT 19/20, 1972
- Match de football à Alger, Casablanca et Saint-Eugène s'affrontent, Les Actualités, 1951
- Bernard Pivot sur le vocabulaire religieux dans le football, Les dossiers de l'écran, 1986
- Musique du Messie de Haendel et archive sur le joueur Lionel Messi, Stade 2, 2006
Générique de l'émission : Origami de Rone
Le Pourquoi du comment : histoire
Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter ici.
