Ici c’est un repas médiéval, avec des gens vêtus de draps de laine ou de précieux velours, là c’est un bal sous Napoléon III, avec des crinolines, ailleurs c’est une bataille avec des uniformes et le tablier de Madelon. Comment donner le goût de l’histoire par la reconstitution ? En quoi la reconstitution permet-t-elle de mieux comprendre le passé ?
Rendre l'histoire vivante grâce à la mise en scène
De nombreux musées, châteaux et associations font appel à des reconstituteurs historiques afin de reproduire des costumes d’époque, des recettes de cuisine anciennes ou encore des duels d’escrime. Ils mettent en scène l'histoire et lui confèrent un caractère vivant qui permet au public de s'identifier et d'être complétement immergé. Gilles Martinez, chargé de cours en histoire médiévale et instructeur de combat médiéval, explique qu'il travaille à partir du mobilier archéologique pour reconstituer un duel d'escrime : "Le vêtement, l'armure et d'autres types de sources nous permettent de reconstituer l'histoire. L'objet nous renseigne et nous permet de faire de l'expérimentation gestuelle. Ce travail expérimental se fait à partir d'un texte qui nous décrit un geste ou à partir d'une image qui nous le montre ; on croise souvent les deux. C'est à la fin du Moyen Âge que l'on commence à avoir les deux mélangés sous le regard d'un maître d'armes dans les livres de combat ou les traités d'armes. On y trouve une masse de renseignements sur le geste martial".
La reconstitution tente d’échapper aux idées reçues, aux images fantasmées du passé, qui s’écartent souvent de la réalité historique. Ainsi, celle-ci nécessite un travail de recherche qui analyse une diversité de sources : traités, peintures, statues, collections des musées, livres de cuisine, livres de combats, livrent tout autant d'informations utiles pour reproduire le passé. Les reconstituteurs remettent au goût du jour un savoir-faire ancien, qui évolue en permanence, au gré de la recherche et des découvertes archéologiques. Nathalie Harran, créatrice de costumes historiques, souligne que "pour reconstituer un costume, il faut d'abord comprendre par qui il a été porté, comment il a été porté et comment il a été constitué. Quels ont été les dessous qui le structurent ? Quels sont les accessoires qui vont avec ?"
Les limites de la reconstitution historique
Cependant, recréer une recette de cuisine ou un vêtement à l’identique est parfois une tâche ardue. La qualité des aliments, des tissus et des matières s'est altérée au fil des siècles et les techniques de production se sont modernisées. Il semble alors difficile de reproduire à l’identique, notamment quand les chercheurs sont confrontés à des flous sémantiques ou des informations manquantes dans les archives.
Reconstituer le passé permet de faire vivre ou revivre un patrimoine matériel ou immatériel, de transmettre l’histoire de façon ludique et vivante, mais également de préserver certains objets comme les costumes des siècles antérieurs, trop fragiles pour être exposés au public. Marie de Rasse, médiatrice culturelle au château de Meung-sur-Loire présente "le costume comme un outil pour lier le contact, pour déclencher des discussions, des échanges avec les visiteurs. Il permet de revenir sur des idées reçues que les visiteurs peuvent avoir. Cela prouve que l'histoire est en études permanente".
Comment la reconstitution historique permet-elle d’avoir un aperçu des sociétés du passé, en particulier des mœurs et pratiques vestimentaires, artistiques et sportives ? Dans quelle mesure la reconstitution est-elle fidèle à la réalité historique ?
Pour en parler
Marie de Rasse est historienne spécialiste du vêtement médiéval, médiatrice culturelle au château de Meung-sur-Loire.
Elle est l'autrice d'une thèse : Le Vêtement féminin à Paris chez les non-nobles. XIVe-XVe siècles (sous la direction de Claude Gauvard, soutenue à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en 2014).
Gilles Martinez est docteur en histoire, chargé de cours en histoire médiévale à l’Université de Nîmes et instructeur de combat médiéval.
Il est l'auteur d'une thèse : Des gestes pour combattre. Recherches et expérimentations sur le combat chevaleresque à l'époque féodale : l'exemple du Roman de Jaufré (sous la direction de Daniel Le Blévec et de Martin Alvira Cabrer, soutenue en 2018 à l’Université de Montpellier 3).
Nathalie Harran est historienne, créatrice de costumes historiques et directrice de l’entreprise La Dame d’Atours.
Elle crée des costumes pour l'exposition Quand la mode façonne le(s) corps du 28 octobre 2022 au 8 avril 2023 au Musée de la Corderie Vallois à Notre-Dame-de-Bondeville.
Le Pourquoi du comment
Toutes les chroniques de Gérard Noiriel sont à écouter ici.
Références sonores
- Archive du défilé du cortège de la Toison d'or à Lille, Les Actualités françaises, 1951
- Archive sur la reconstitution de combats médiévaux avec Yvan Chiffre, Les Coulisses de l'exploit, ORTF, 1967
- Archive du cinéaste Éric Rohmer à propos du choix des acteurs de Perceval le Gallois, Ciné regards, 1979
- Extrait de la chanson La Biaiseuse d'Annie Cordy, 1912
- Archive sur Maïté et la cuisine des mousquetaires de Gascogne, Midi Atlantique, 1983
- Extrait du livre II épisode 1 de la série Kaamelott d'Alexandre Astier, 2005
- Générique de l'émission : Origami de Rone