C'était une élection présidentielle superflue, tellement jouée d'avance qu'il n'était peut-être pas nécessaire de l'organiser... Elle devait voir en 1995 l'accession à l'Élysée d'Édouard Balladur, mais voilà. Edouard Balladur n'accéda pas au second tour, il assista à l'élection de son ami de 30 ans, Jacques Chirac. C'est le superfail de la semaine, raconté par Soazig Quémener, elle est rédactrice en chef du service politique au journal Marianne.
Edouard Balladur : un candidat à la stature présidentielle
Pour comprendre pourquoi Édouard Balladur suscite est donné gagnant lorsqu'il s'engage dans la campagne présidentielle de 1995, il faut s'intéresser au parcours de l'homme politique. Secrétaire général du président Georges Pompidou, puis premier ministre de François Mitterrand lors de la cohabitation entamée en 1993 à 1995, Édouard Balladur a occupé des postes à lourdes responsabilités au cours de sa carrière. Soazig Quémener explique : "Cela fait d'ailleurs dire à certains qu'Édouard Balladur est un homme qui n'a jamais été au pouvoir mais qui a déjà été au pouvoir par deux fois."
C'est d'ailleurs dans le cadre de ses fonctions de premier ministre sous le mandat de Mitterrand, qu'il sera amené à gérer l'une des affaires les plus emblématiques de son parcours : la prise d'otage d'un avion à la fin de l'année 1994. "Il explique que c'est à ce moment-là qu'il se dit : finalement, je sais faire, je sais m'occuper des français, je sais prendre des décisions, donc je peux être candidat à la présidence de la République.", rappelle Soazig Quémener.
Le décrochage dans les sondages : un problème d'image
Si au début de la campagne présidentielle, la candidature d'Édouard Balladur suscite une vague d'enthousiasme au sein de la population française – certains évoquant même une forme de Balladurmania – la situation va tourner à son désavantage. Pour Soazig Quémener, le décrochage dans les sondages s'explique en partie par les révélations du Canard enchaîné : "Le Canard enchaîné révèle qu'Édouard Balladur a fait une plus-value très importante sur des actions qu'il a vendues d'une société dont il était président, la GSI (Général de Service Informatique"). Or, il passe son temps à parler d'ordre, de morale donc ça cogne avec son image."
Mais le facteur explicatif principal de son échec retentissant lors de cette campagne tient à son image et aux caricatures dont il est l'objet : le dessinateur Plantu le croque dans une chaise à porteur, les Guignols de l'info en font une marionnette au ton ampoulé et condescendant. Cette image de technocrate accentue le contraste avec son rival historique, Jacques Chirac. Opération de communication la plus emblématique car la plus ratée de sa campagne, c'est la visite d'Édouard Balladur dans le métro parisien, c'est ce que rappelle Soazig Quémener : "La descente dans le métro, on a l'impression qu'il est perdu, qu'il n'a jamais fait ça de sa vie. Or qu'a-t-on en image dans la rétine, c'est la fameuse photographie de Jacques Chirac en train de sauter par-dessus le portique du métro parisien."
