Après plusieurs mois de combats entre l’armée éthiopienne et les rebelles du Front de libération du Tigray, les orthodoxes ont finalement pu cette année célébrer Noël dans la ville sainte de Lalibela, tout juste libérée. Si la « Jérusalem d’Afrique » n’a pas été épargnée par le conflit, ses églises taillées dans la roche au VIIIe siècle n’ont pas été endommagées, les belligérants, tous chrétiens, ayant respecté ces sites sacrés. De fait, la guerre civile qui a déchiré ces derniers mois l’Ethiopie opposait des orthodoxes entre eux, dans un pays où cette religion est par ailleurs majoritaire. Longtemps église d’Etat, l’église orthodoxe Tewahedo côtoie désormais l’islam et le protestantisme, mais elle reste constitutive de l’identité du pays. Fondée au IVe siècle lors de la conversion au christianisme de la Cour du roi d’Aksoum, c’est l’une des plus anciennes églises d’Afrique.
Comment l’église tewahedo maintient-elle sa centralité dans un pays désormais officiellement multiconfessionnelle ? Comment cohabite-t-elle avec les autres religions d’Ethiopie ? Dans quelle mesure peut-elle incarner un espoir d’apaisement dans le conflit du Tigray, qui oppose des coreligionnaires ?
Mélanie Chalandon reçoit Stéphane Ancel, chercheur à l’EHESS, au sein du programme de recherche franco-allemand ANR-DFG « Ethiomap : Cartographic Sources and Territorial Transformations of Ethiopia since the Late 18th Century » (EHESS-CéSor/Universität Erfurt).
Les focus du jour
Zema et Aqwaqwam : une liturgie chantée et dansée
La liturgie orthodoxe éthiopienne est entièrement chantée, et les offices festifs sont dansés, ce qui est unique dans la chrétienté. Le zema – la musique sacrée – et l’Aqwaqwam – la gestuelle afférente – font partie intégrante du patrimoine de cette église. Les chantres qui l’exécutent tiennent donc une place centrale dans la liturgie.
Avec Anne Damon-Guillot, professeure de musicologie à l’université Jean Monnet Saint-Etienne
Les Coptes d’Egypte, actualité d’une vieille église
Comme l’église tewahedo d’Ethiopie, l’église copte d’Egypte est une église préchalcédonienne de rite orthodoxe, et l’une des plus anciennes d’Afrique. Mais loin d’être figée dans ce passé ancestral, ou réductible à une minorité opprimée en terre d’islam, la communauté copte ne cesse de muter, sociologiquement et religieusement, au gré des transformations du pays lui-même. Particulièrement représentatifs de ce christianisme en mouvement, les chiffonniers du Caire sont depuis les années 1990 aux premières loges des évolutions de l’église copte.
Avec Gaétan du Roy, docteur en histoire de l’UCLouvain et professeur invité à la facualté Marie-Haps de l’Université Saint-Louis Bruxelles.
Références sonores
- Le Père Tsige Mezgebu, administrateur du monastère de Lalibela et une fidèle étaient rassurés de voir les combats s’éloigner après la reprise de Lalibela par les forces pro-gouvernementales début décembre dernier (TV5 Monde, 10 décembre 2021)
- Deux fidèles se réjouissaient de pouvoir célébrer à nouveau le Noël orthodoxe à Lalibela début janvier dernier (Africanews, 07 janvier 2022)
- Lors d’une séance au Parlement éthiopien, le Premier ministre Abiy Ahmed a évoqué hier publiquement pour la première fois la possibilité de négociations de paix avec les rebelles du Tigré (Africa news, 15 juin 2022)
- Extrait d’un reportage commentant l’arrivée du général Aman Andom le 13 septembre 1974 au lendemain de la destitution de l’empereur Hailé Sélassié (Archive INA, reportage de Jean-Pierre Férey, ORTF, 13 septembre 1974)
- Des chrétiens coptes orthodoxes d’Egypte se réjouissent de pouvoir à nouveau célébrer le Vendredi Saint au monastère Saint-Simon connu sous le nom d’église de la Grotte dans la montagne de Mokattam située près du Caire (AFP, 23 avril 2022)
Références musicales
- « Asha » de Pantha du Prince (Label : Kompakt)
- Musique tirée du disque Église chrétienne orthodoxe d’Éthiopie ; ’Aqwaqwam, la musique et la danse des cieux (enregistrements et texte : Anne Damon, Label Inédit W260121)
- « Tezeta » de Menelik Wesnatchew (Label : Buda Musique)