Syracuse

Les mondes de l'esclavage, une histoire comparée (Seuil) est une somme de 1.200 pages coécrite par une cinquantaine de chercheurs. Un livre où on découvre l'ampleur d'un phénomène historique et la manière dont il est indissociablement lié aux premières formes de mondialisation et à la marche du capitalisme. 

Établir un savoir sur l'histoire de l'esclavage

Il s'agit pour les auteurs d'éclairer cette histoire, souvent peu connue, de "produire un savoir" pour "sortir de la méconnaissance sur le sujet", décrit Paulin Ismard qui précise que les historiens ne travaillent pas dans la perspective de thèmes tels que la "repentance" ou la "culpabilité".

"Le pays a mal à métabolisé cette partie là de son histoire", souligne Léonora Miano qui estime que "tous les Français devraient se dire qu'ils ont eu des ancêtres esclaves, que ce n'était pas seulement les ancêtres des autres, parce que ces gens ont travaillé à la prospérité de ce pays et que donc on devrait tous les réclamer. Mais on n'a pas travaillé suffisamment pour faire en sorte qu'on s'approprie tous ces mémoires-là et qu'on s'y reconnaisse". Il y a, dans la figure de l'esclave, "quelque chose de très dévalorisant, l'être qui est vu comme essentiellement un déchu et que donc on ne veut pas réclamer comme un parent".

L'esclavage produit encore des effets sur les sociétés actuelles

La livre se penche aussi sur ce qui persiste de cette histoire de l'esclavage dans les sociétés actuelles. "L'esclavage a eu des effets de très longue durée sur le continent africain, par exemple, sur le plan démographique. Des historiens ont pu montrer que la démographie africaine aurait été très différente sans l'esclavage. Il y a des régions de l'Afrique qui ont été décimées par l'esclavage", explique Paulin Ismard. 

De même, "l'esclavage a partie liée avec la modernité européenne", ajoute-t-il, puisqu'"en même temps que s'élabore la pensée des droits naturels, puis des droits de l'Homme, à partir du XVIIIème siècle, c'est le moment de plus grande intensité de la traite transatlantique. D’ailleurs, l'esclavage participe aussi à la formation des grands flux capitalistiques des XVIIIème et XIXème siècle. On peut difficilement penser la modernité politique, économique et morale même de l'Europe à partir sans prendre en compte cette réalité qu'est l'esclavage", conclut l'historien.