En 1986, un psychologue américain Robert Provine, écrivait dans une étude que, je cite, "le bâillement pourrait détenir le titre peu enviable du comportement commun le moins bien compris chez l'homme". Trente ans plus tard, la phrase reste d'actualité : nous en sommes toujours réduits aux conjectures quand il s'agit d'expliquer à quoi sert ce long décrochage de mandibule accompagné d'une longue inspiration.
Pourquoi bâille-t-on ?
Marque de fatigue, d'ennui, de nervosité ou de faim, oxygénation ou thermorégulation du cerveau, plusieurs hypothèses ont ainsi été avancées sans que l'on puisse trancher. Sans oublier les bâillements provoqués par la vue d'un autre bâilleur voire la simple évocation d'un bâillement (j'entends bâiller la moitié des auditeurs). Ça marche même à distance.
Mais le bâillement n'est pas le propre de l'homme. On le retrouve chez des poissons, des amphibiens, des reptiles, des oiseaux et presque tous les mammifères. Et c'est ce qui rend cette énigme physiologique énervante parce que le bâillement est probablement l'héritage d'un comportement très ancien et très utile. Une étude américaine publiée le 4 octobre a voulu tirer profit de cette quasi-universalité du bâillement chez les mammifères, pour en savoir un peu plus.
Ses trois auteurs se sont dit si le phénomène est vraiment lié à la maintenance du cerveau, par exemple à sa thermorégulation, sa durée chez chaque espèce sera fonction de la taille, de la complexité du cortex. Pour tester son scénario, notre trio de chercheurs a fait le tour de la plus grande ménagerie du monde, à savoir YouTube. Objectif la chasse aux bailleurs à quatre pattes. On imagine le dialogue le soir à la maison "qu'as-tu fais aujourd'hui au labo, mon amour ?" "aujourd'hui, j'ai chronométré le bâillement de hérissons sur YouTube. Si, si, c'est la science"'.
Quelles sont les conclusions de cette étude ?
De la souris à l'éléphant d'Afrique, du lapin au renard, du ouistiti au gorille, sans oublier l'homme, bien sûr, une bonne vingtaine d'espèces a été passée en revue et les chercheurs ont noté que les bâillements des primates étaient nettement plus longs que ceux des autres mammifères et que l'homme, avec sa tripotée de neurones dans le cortex, était champion en la matière, peu importe la taille du corps ou du crâne, Homo sapiens battait l'éléphant et le cheval, haut la mandibule.
Plus le cortex est gros et développé, plus longtemps on baille. Ce qui, selon les auteurs de l'étude, confirme que le bâillement a une fonction neurophysiologique.
On ne sait pas encore laquelle, mais ça avance. En revanche, en l'absence d'une vidéo sur YouTube, on ne sait pas si Donald Trump baille, ni s'il en a besoin, parce que la science n'a pas réponse à tout.