Peu connu en Europe, Ezra Pound a connu des vies multiples, poète lui-même il conseillait et influençait de grands noms de la poésie anglo-américaine du début du 20e siècle, d’une grande érudition, il prônait la beauté et la liberté tout en prêtant allégeance à Mussolini. Ce sont toutes ces facettes dont parle Dominique de Roux, fondateur des Cahiers de l’Herne, dans cet entretien entièrement consacré à la vie et l’œuvre d’Ezra Pound qu’il a été le premier à publier en France en 1966 malgré le refus de nombreux éditeurs considérant sa poésie illisible.
Ezra Pound, un poète errant en Europe
Ezra Pound, né en 1885 aux Etats-Unis, figure controversée de la poésie moderne, s’est surtout fait connaître en Europe à partir des années 1910 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Installé d’abord à Venise puis à Londres en 1909, il rencontre les poètes Yeats et T.S Eliot qu’il conseille dans leurs créations. Il cherche à renouveler la poésie, à dépasser la tradition : “Les formes du 19ème siècle, il faut les faire tomber comme des écorces mortes”. Il intègre le courant “imagiste” à rebours du style victorien.
Considérant que plus rien de neuf ne se fait à Londres, il part pour Paris au début des années 1920 où il fréquente James Joyce qu’il considère comme un maître, et le mouvement surréaliste. Il est vu comme le chef d’orchestre de ce qu’on a appelé la “génération perdue”, ce groupe d'auteurs américains expatriés à Paris durant l'entre-deux-guerres.
Ezra Pound, un poète moderne en quête d’une nouvelle civilisation : le fascisme
En 1924, Ezra Pound ne voit plus Paris comme la place centrale de la culture, déçu, il quitte alors la France pour l’Italie pourtant plongée en plein fascisme. Estimant déjà à cette époque que le monde littéraire est écrasé par l’argent et hanté par ce qu’il appelle “l’usure”, Pound croit voir en Mussolini l’homme qui va redonner sa gloire à la poésie grâce à un état socialiste. Il pense voir dans le nouveau régime italien une résurrection culturelle.
La poésie pour changer le monde
Considéré comme un traître par l’armée américaine du fait de causeries qu’il donnait à la radio italienne pendant la guerre, Ezra Pound est arrêté par les Américains en 1944, il est alors enfermé dans une cage de fer sur la place de Pise pendant six mois. C'est là qu'il écrit une partie de ses poèmes les Cantos, avant d’être rapatrié aux Etats-Unis. Son procès se conclut par un internement en asile psychiatrique.
En 1958, après douze années passées dans un asile, Ezra Pound retourne en Italie. Après une conférence de presse donnée à son arrivée, il décide de ne plus parler. Depuis cette date, Ezra Pound n’a plus dit un mot en public jusqu’à sa mort en 1972. Il a cru que la poésie allait changer le monde, c’est l’échec de sa vie.
Ezra Pound laisse derrière lui une œuvre unique, les Cantos, poèmes épiques et lyriques écrits entre 1930 et 1968, reflet de sa culture immense, encyclopédiste et universelle. Ecrits selon un mode fragmentaire, disparate, les Cantos sont l'expression de la pensée profonde d’Ezra Pound, à savoir que “nous vivons le temps du décousu”.
- Entretien
- Par Alain Pontaux
- Avec Dominique de Roux
- Réalisation Fernand Ouelette
- Portrait d'Ezra Pound (1ère diffusion : 08/09/1973)
- Produit par Radio Canada