Que se passe-t-il en ce moment avec les hérissons ? Ils sont partout ou presque dans la presse… Gros dossier dans la Dépêche du midi hier, un article aussi dans La Montagne, BFM tv qui lance « il faut sauver les hérissons ! ». Et le summum : le journal Le Parisien/Aujourd’hui en France qui titrait carrément, il y a quelques jours : « Le hérisson, sur Terre depuis les mammouths, sera quasiment éteint d’ici à 2025 ». Alors je me suis dit qu'il y avait une nouvelle information à ce sujet, mais non, pas vraiment. Tout vient, en fait, de l’association « Famille Hérisson », fondée par Jean-Xavier Duhart, et qui a lancé une pétition en 2016, donc il y a plus de 6 ans, appelée « sauvons les hérissons », 264.000 signatures à ce jour et qui affirme ceci : « On estime que l'espèce “hérisson” sera quasiment éteinte en 2025 avec des territoires où il aura totalement disparu et d’autres avec des effectifs si réduits, qu'ils ne seront plus en mesure de se reproduire à cause de l’appauvrissement de leur gène et sont donc condamnés, à terme, à disparaître à plus ou moins brève échéance. »
2025, c’est précis… Mais c’est une « aberration d’être aussi catégorique » pour Laure Prévost, soigneur animalier au Chene, une autre association. « Tant que l’on n'a pas la preuve concrète de ce que l’on avance, il faut se méfier. On peut, malgré nous, diffuser de mauvaises informations. Ça peut prendre des proportions délirantes. ». « Délirantes » parce que le hérisson est une espèce qu’on adore, donc forcément, dès qu’on en parle, ça marche… Pas de preuves concrètes, dit-elle aussi, parce que le Chene avait lancé une grande étude après avoir recueilli des hérissons comme jamais dans ses centres de soin, 691 en 2021, c’était inédit. Étude menée avec le pôle d’expertise vétérinaire et agronomique animaux sauvages de VetAgroSup à Lyon, et coordonnée par Julien Hirschinger, ingénieur de recherche à l’école vétérinaire de Toulouse ; avec des résultats étonnants : « On a montré que sur le plan “infection”, il n’y avait strictement rien de nouveau*. Il y a des pathogènes chez le hérisson, mais qui sont des pathogènes classiquement décrits et qui ne représentent pas une nouvelle menace. On a montré qu’il n’y avait , contrairement à ce qu’on peut entendre, pas de pesticide.* On en a cherché plus de 300 différents et on en a pas du tout trouvé*, quoi. »*
Incroyable même si, attention, les pesticides ont des conséquences directes sur les insectes, les vers de terre, et ça fait donc moins à manger pour les hérissons, dont une grande partie de ceux analysés étaient faibles : « * Plus de 30 % présentaient, ce que l’on a appelé un syndrome d'affaiblissement. Donc, ce sont des animaux qui étaient déshydratés, hypothermes, amaigris, mais pour lesquels ils n'y avaient rien d'autre qui clochait. Il n’y avait pas de toxiques, de bactéries, de virus, etc. » Des métaux lourds, par contre, ont été retrouvés « notamment le plomb et le cadmium qui étaient présents chez nos animaux à des niveaux relativement élevés, qui ne devraient pas être chez des animaux sains, mais sans symptômes, la plupart du temps. Donc, en fait, les animaux sont certes contaminés par des toxiques, mais ils ne meurent pas de leur intoxication. »*
Autrement dit, tout ça est très mystérieux. Les études doivent être poursuivies, et de toute façon, on ne sait même pas combien il y a d’Erinaceus Europaus en France, c’est le 1er problème. Comment estimer la disparition potentielle d’une espèce sans avoir les données de base ? Julien Hirschinger résume : *« * Il y a encore des zones d’ombres qui sont monstrueuses donc c'est difficile d'affirmer quoi que ce soit sur la problématique des hérissons. Il n’y a quasiment que des questions et pas beaucoup de réponses. »
Mais n’allez pas croire pour autant que tout va bien pour eux, le vétérinaire rappelle qu’ils font partie de tout un écosystème, et la crise de la biodiversité est bien réelle, associée au dérèglement climatique. Donc, à la question : « le hérisson va-t-il disparaître après 60 millions d’années d’existence ? », la réponse n’est pas forcément « non ». Jean-Xavier Duhart, le monsieur de la pétition, se base, lui, sur ce qui se passe au Royaume-Uni : « Il y avait 30 millions de spécimens il y a 60 ans et aujourd'hui, on en a 500 000. Je viens de découvrir ça il y a 2 jours. Donc j'estime, qu’effectivement, on peut extrapoler les chiffres anglais à la France, parce que ce sont des écosystèmes équivalents en termes d'habitat, de voitures, de pesticides. C’est à peu près la même chose en France. »
Et il plaide pour qu’un statut « écocitoyen hérisson » soit créé, en plus du statut d’espèce protégée actuel… Et donne quelques conseils, dont celui de leur laisser des croquettes : « Je préférerais qu’il y ait des vers de terre, mais pour l'instant, malheureusement, les hérissons survivent grâce aux croquettes pour chat. » Mais ce sujet est un énorme débat, une bataille même, entre amis des hérissons. La LPO, ou Laure Prévost du Chene, dit « NON ! ». « * Le nourrissage de la faune sauvage, je suis désolé d'insister, est une très mauvaise pratique, parce que vous allez donner quelque chose qui est industriel, qui est très riche en gras, en sucre et qui, potentiellement, contient des céréales. Les hérissons ne mangent aucune céréale. Et après, dans le principe de distribuer de la nourriture à la faune sauvage, vous allez créer des lieux de nourrissages non-naturels, vous allez rassembler un certain nombre d’animaux qui n’ont pas lieu de se rencontrer dans la nature. » Et ça peut aussi perturber, et même interrompre, leur hibernation. Réponse de Famille hérisson : « C’est une vue de l’esprit que j’aimerais pouvoir avoir, mais malheureusement, on est en 2023 et la nature sauvage pour les hérissons n'existe plus. »*
On n’en s’en sort pas. Beaucoup d’inquiétudes pour nos boules piquantes dont finalement, on ne sait malheureusement pas grand-chose.