Pense-t-il que cette mobilisation arrive à son terme, comme le disent à demi-mot certains représentants syndicaux ? "Je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait des gagnants ou de perdants" dans cette affaire, estime Gérard Larcher. "Cette réforme des retraites était indispensable, pour préserver le système par répartition, mais aujourd'hui s'ouvre cette séquence qui va nécessiter que les partenaires sociaux puissent débattre, échanger, négocier autour de sujets majeurs"
Pour le président du Sénat, il faut ouvrir d'autres pages pour tenter de faire oublier la précédente réforme passée en force et dans une impopularité record. "L'emploi des seniors, puisque nous restons un pays avec un taux d'emploi des seniors extrêmement bas... L'usure professionnelle, un autre sujet très important... Mais aussi la question des salaires. Comme ancien ministre du Travail, je continue à me questionner : 70 % des grilles salariales de départ restent en-dessous du Smic. Par rapport à la relation au travail, c'est quelque chose d'important."
Proposition de loi de LIOT : "C'est fragiliser la démocratie parlementaire"
Que pense-t-il de la proposition de loi de LIOT sur l'âge de départ, et les efforts du gouvernement pour qu'elle ne soit même pas votée ? "Le texte [de la réforme] a été adopté, promulgué", rappelle-t-il. "Il y a un principe : revenir au lendemain, alors même que les décrets ne sont pas encore sortis, sur un texte pour l'abroger, c'est quelque part fragiliser la démocratie parlementaire", plus selon lui que ne pas soumettre cette réforme à un vote de ces mêmes parlementaires à l'Assemblée nationale. "L'application de l'article 40, c'est tout simplement l'application de notre Constitution."
"Ce qui a vraiment manqué dans cette période, c'est le dialogue préalable", estime Gérard Larcher. "Au fond, c'est une marque depuis 2017 : le dialogue social, les partenaires sociaux, les corps intermédiaires, l'exécutif ne s'est guère penché sur eux. Dans un pays qui a besoin de partager, de dialoguer, y compris quand on s'oppose, le temps est venu de retrouver les principes du dialogue social. C’est tout simplement l'article premier du Code du Travail ! Il ne peut pas y avoir de projet qui modifie les conditions de travail sans qu'il y ait eu une négociation préalable entre les partenaires sociaux et l'exécutif."
"Il y a la nécessité d'avoir une vraie politique migratoire"
Sur la question de l'immigration, pré carré de la droite française sur lequel la majorité tente de s'aventurer, Gérard Larcher n'est pas convaincu par la récente interview d'Édouard Philippe qui appelle à plus de fermeté en la matière. "Je n'ai pas entendu ces propos de sa part en 2018, alors qu'il proposait un texte pour réguler les flux migratoires", texte qui n'a eu aucun effet selon lui. "Je me dis : pourquoi n'a-t-il pas alors répondu aux propositions de la majorité sénatoriale de réguler l'immigration du travail, le regroupement du travail, l'exercice du droit d'asile..."
Les Républicains ont fait deux contre propositions de loi sur l'immigration pour répondre au projet de Gérald Darmanin, sont-elles à prendre ou à laisser ou un travail commun est-il possible avec la majorité ? "Nous avions le 15 mars élaboré un texte au niveau de la commission des lois du Sénat qui partait de celui de Gérald Darmanin avec un certain nombre d'amendements des sénateurs. L'examen de ce texte a été suspendu, sur fond de tension sur le dossier des retraites. Il fallait que ce texte soit examiné de manière apaisée."
"Il y a la nécessité d'avoir une vraie politique migratoire", estime Gérard Larcher. "Nous en avons besoin pour maîtriser les flux, les orienter, mais aussi faciliter les politiques d’intégration dans le pays. Sur l'immigration de travail, nous proposons des quotas par la discussion au Parlement, nous ne sommes pas favorables à l'automaticité pour les métiers en tension. Nous avons un peu plus de 2,8 millions de chômeurs en catégorie A, et parmi eux, 500.000 étrangers ! Mobilisons-nous pour les reconduire vers le travail."