Syracuse

En 1933, la philosophe Hannah Arendt fuit l’Allemagne. Elle rejoint la France, puis les États-Unis où elle travaille pour différents journaux. Sa transformation de philosophe en journaliste s’enracine donc dans une double expérience : l’expérience privée de l’exil et l’expérience commune de la guerre. Avant son exil, Arendt est une philosophe brillante ; elle soutient en 1928 une thèse sur Le Concept d’amour chez saint Augustin. Devenue journaliste, Hannah Arendt ne cesse pas d’être philosophe, comme le montre la parution en 1951 des trois volumes des Origines du totalitarisme.

Mais écrire en journaliste est autre chose qu’écrire en philosophe. Au journaliste, la précision du fait et la capacité à l’éclairer en temps réel ; au philosophe, le souci du temps large et la capacité à insérer la confusion des évènements dans une interprétation qui ait du sens.

Aristote, auquel Arendt se réfère souvent, pensait que dans les choses humaines est vrai ce qui se produit « la plupart du temps ». Mais Arendt a préféré travailler sur les exceptions. Les cas singuliers qu’analyse la journaliste se révèlent plus obscurs et embrouillés que les cas plus généraux qu’étudie la philosophe.

Bibliographie

H. Arendt, Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal (édition américaine originale 1963), Gallimard, Folio-Histoire, 1991

H. Arendt, Les origines du totalitarisme, (édition américaine originale, 1951), 3 volumes, Le Seuil, Collection Points-Essais, 2005-2006

H. Arendt, « Reflections on Little Rock », en ligne (parution en 1959)

G. Muhlmann, « Le comportement des agents de la “solution finale”. Hannah Arendt face à ses contradicteurs », Revue d’histoire de la Shoah, 1998, n°3.

Houryah Bentouhami-Molino, « Le cas de Little Rock. Hannah Arendt et Ralph Ellison sur la question noire », Tumultes, 2008, n°1

M. Fabre, « Hannah Arendt, Little Rock et la question de la neutralité scolaire », Les Cahiers du CERFEE, 2022, en ligne