Syracuse

De son vivant, le célèbre auteur de l’Éthique était aussi bien réputé pour son métier de polisseur de lentilles que pour son activité de philosophe. Polir des verres pour fabriquer des loupes, des microscopes ou des longues-vues, c’est participer activement au développement de la science dans un siècle où le monde n’est plus enfermé dans les bornes étroites d’un espace clos et fini. Désormais, le monde est devenu un univers infini. Le polissage est un travail délicat et minutieux qui exige beaucoup d’adresse et d’attention. N’est-ce pas un ensemble de qualités indispensables au philosophe ?

Les deux activités de Spinoza, polir des lentilles et écrire l’Éthique sous forme géométrique, entretiennent un rapport étroit. Lentilles ou démonstrations, il s’agit, à chaque fois, de voir les choses telles qu’elles sont réellement. Il faut donc ouvrir notre perception à ce qui n’est pas immédiatement visible. Accéder à l’infiniment grand ou à l’infiniment petit grâce aux instruments d’optique, c’est pouvoir observer ce que l’on ne peut pas percevoir à l’œil nu. Accéder à l’évidence d’une proposition vraie, c’est mettre au jour une vérité qui ne peut apparaître que grâce aux démonstrations. Voir avec les yeux de l’âme est donc bien plus qu’une métaphore.

Bibliographie

Spinoza, Éthique, Partie V, proposition 23

Spinoza, Lettre à Oldenburg, 20 novembre 1665

Pierre Sauvanet, Éthique et optique chez Spinoza, « Philosophiques, Annales littéraires de l’Université de France Comté », n° 1, 1998, en ligne

Maurice Daumas, Les Instruments scientifiques aux 17ème et 18ème siècles, PUF, 1953

Philippe Hamou, La Mutation du visible. Essai sur la portée épistémologique des instruments d’optique au 17ème siècle, Presses Universitaire du Septentrion, tome I, 1999