Méconnue en France, la psychanalyste austro-britannique Melanie Klein (1882-1960) est pourtant une figure majeure de la psychanalyse post-freudienne. Formée par Sándor Ferenczi et Karl Abraham, elle a révolutionné la psychanalyse par le jeu avec les enfants en bas âge. Comment ses travaux ont, non seulement ouvert la voie de la psychanalyse des enfants, mais aussi permis de repenser le symbolisme et l’apparition de la pensée et du langage ? Pour répondre à cette question, Avec Philosophie consacre cette série d'émissions à l'examen de ses grands concepts psychanalytiques et de sa postérité dans l'histoire de la psychanalyse, notamment en France et en Angleterre.
Dans le quatrième et dernier épisode de cette série, Géraldine Muhlmann, en compagnie de Florence Guignard, Bianca Lechevalier et Rudi Vermote, s'interrogent sur la postérité de Melanie Klein, notamment en France et en Angleterre.
Anna Freud vs. Melanie Klein
Pour Anna Freud et pour le courant annafreudien qu'elle institue en psychanalyse, la démarche clinique et théorique de Melanie Klein est problématique à plusieurs égards. Comme le rappelle Florence Guignard, une part de ces critiques "concernaient la technique analytique elle-même", tandis que d'autres visaient la capacité des enfants à effectuer un transfert. Ainsi, Melanie Klein soutenait que le transfert existait, y compris "chez des enfants très jeunes, ce qui a été confirmé depuis". La position d'Anna Freud à l'époque consistait au contraire à considérer que "les enfants ne pouvaient pas effectuer un véritable transfert tant qu'ils étaient encore dépendants de leurs parents".
Le rôle des objets transitionnels
Rudi Vermote souligne que "l'agressivité et la haine" sont des thèmes centraux dans les travaux du psychiatre Donald Winnocott. Ainsi, pour lui, les "zones transitionnelles" sont très importantes. Elles peuvent par exemple prendre la forme d'objets transitionnels, comme des doudous, ou le célèbre personnage du film E.T. Ces objets sont des "illusions", dont nous avons besoin afin de "survivre à la réalité qui est trop intrusive". Dans un second temps, il faut pourtant s'en détacher, "détruire ces illusions", afin d'établir un véritable contact avec la réalité. Ce processus est au coeur du travail d'analyse, dans lequel le thérapeute aide son patient à "détruire tous les projections" qu'il utilise comme des "protections".
Un fantasme en action
Le psychanalyste Wilfred Bion propose quant à lui le concept de fonction Bêta pour désigner un état dans lequel l'individu ne parvient plus à digérer les choses qu'il a projetées. Le problème de ce clivage est d'abord, affirme Biance Lechevalier, "de ne pas passer à l'acte". En effet, les patients qui projettent des éléments bêta "cherchent à nous faire réagir, corporellement, en général de façon agressive, pour faire agir un fantasme inconscient". Au contraire, il faut tenter de "retrouver un fantasme en action", lui-même chargé d'affects. La fonction Bêta peut survenir chez "des patients psychotiques", mais également en dehors des cures, quand nous sommes à l'extérieur des choses. "La question est d'arriver à une pensée en images, incrustée de fantasmes et articulée à un corps lui-même incrusté d'histoire."
L'émission est à écouter dans son entièreté en cliquant sur le haut de la page.
Pour en parler
Florence Guignard, membre titulaire honoraire de la Société Psychanalytique de Paris (SPP) et fondatrice avec Annie Anzieu de la Société Européenne pour la Psychanalyse de l’Enfant et de l’Adolescent (SEPEA).
Elle a notamment publié :
Bianca Lechevalier, membre honoraire formatrice de la Société Psychanalytique de Paris, ancienne chef de Clinique de Neuropsychiatrie à Paris et élève de psychanalystes post-kleiniens. Elle a reçu le prix Tustin de Los Angeles en 2003 concernant l’autisme. Elle écrit autour des angoisses précoces d’anéantissement au début de la vie et leurs conséquences somatiques, mais aussi sur l’importance du traitement analytique mère-enfant précoce et intensif pour prévenir l’autisme.
Elle a notamment publié :
Rudi Vermote, professeur émérite en psychiatrie à l’université de Leuven (KUL), psychanalyste (en pratique privée), analyste de formation et ancien président de la Société Belge de Psychanalyste. Il est aussi membre du Comité de Rédaction et du Collège de The International Journal of Psychoanalysis, co-président du Comité des Nouveaux Groupes Internationaux de l’Association Psychanalytique Internationale et parrain du groupe d'Étude Psychanalytique de Taïwan. Enfin, il est membre honoraire du Centre Psychanalytique de Californie et professeur invité à l’université de Kyoto en 2018.
Il a notamment publié :
Références sonores
- Extrait du film E.T., l’extra-terrestre, réalisé par Steven Spielberg, 1982
- Lecture par Manon de La Selle d'un extrait de Donald Winnicott, "La haine dans le contre-transfert" (1947)
- Archive de Wilfred Bion à la clinique Tavistock, date inconnue
- Chanson de fin d'émission : Tina Turner & Ike Turner, "River Deep Mountain High" (1966)
Le Pourquoi du comment : philosophie
Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.