Au début du livre d’entretiens avec Pierre Charbonnier, La composition des mondes, Philippe Descola dit qu’il s’est toujours senti inadapté au monde et qu’au fond c’est peut-être une caractéristique des anthropologues qui aiment aller voir ailleurs si l’herbe y est plus verte. L'anthropologue y voit une analogie avec les romanciers qui regardent le monde à distance « en transformant grâce à leur imaginaire des situations qu'ils ont pu observer. Les anthropologues compensent sûrement leur incapacité de déployer des vies alternatives dans l'imaginaire, par l'observation de la diversité des usages du monde que nous essayons de comprendre. »
La leçon des choses
Sa géographie mentale est peuplée de récits de voyages et de romans picaresques de l'Espagne du Siècle d'or. « J'ai été très tôt transporté dans des univers lointains » dit-il. Il a voyagé jeune, et a développé grâce aux randonnées en montagne avec son grand-père un goût pour les sciences de la vie et de la terre. « Mon grand-père était très cultivé et était ferré en astronomie et en botanique, lorsque nous marchions dans la montagne, il me pointait des plantes pour les identifier, il connectait ces fleurs à la mythologie grecque. C'était la leçon de choses en vrai. »
Première enquête ethnographique
Après des études de philosophie à l’ENS de Saint-Cloud pour « former son esprit » il se tourne vers l’anthropologie grâce à Maurice Godelier, assistant de Claude Lévi-Strauss et part au Chiapas, au Mexique faire une première étude de terrain. « Je voulais comprendre les formes d'aliénation des populations autochtones soumises encore à un régime néocolonial. » Il s'établit dans un village dans la forêt lacandone, dans les basses terres du Chiapas pour étudier les colonies des Indiens Tzeltal qui avaient été chassés des hautes terres par de grands propriétaires terriens : « C'était un village peuplé de colons autochtones qui s'étaient résignés à s'installer dans les basses terres, en forêt, dans un milieu qui ne leur était pas familier. » Ce qui l'intéresse ce sont les transformations dans le rapport avec la nature : « comment la transplantation d'un milieu tempéré des hautes terres vers la forêt, avait pu transformer leur façon de vivre et d'être. »
Générique
Une série d’entretiens proposée par Caroline Broué. Réalisation : Rafik Zenine. Prise de son : Michaël Simon. Chargée de programme : Daphné Abgrall.
Bibliographie sélective
Ethnographies des mondes à venir (Ed. Seuil, 2022)
Les Formes du visible (Ed. du Seuil, 2021)
La Nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achuar. Deuxième édition (Ed. de la MSH, 2019)
Les Natures en question (Ed. Odile Jacob, 2018)
La composition des mondes entretiens avec Pierre Charbonnier (Ed. Flammarion, 2014)
La Fabrique des images, sous la direction de Philippe Descola (Ed. Somogy, 2010)
Par-delà nature et culture (Ed. Gallimard, 2005)
Les lances du crépuscule. Avec les Indiens Jivaros de haute Amazonie (Ed. Plon, 1993)