L’ironie est-elle un procédé stylistique, un geste philosophique ou une vision du monde ? Est-elle l’expression d’un certain dogmatisme ou au contraire d’un retour critique sur les choses ? Pourquoi est-elle le procédé favori de tous, de Swift aux romantiques, en passant même par Socrate ?
Pour Jonathan Swift, comme pour Friedrich Schlegel, l'ironie n'est ni ancienne ni moderne. "Il y a une différence entre ironie et humour. L'ironie est liée avec la critique et la remise en question des questions ", explique Nathalie Zimpfer. Pour Jacques-Olivier Bégot, "l'ironie nous interdit de nous enfermer dans un seul point de vue".
L'ironie est surtout, pour Swift, un procédé rhétorique mis au service de la polémique qui a une fonction sociale plus que linguistique. Pour Schlegel (1978-1829), l'ironie a une double portée : elle s’inspire du modèle socratique, tout en étant une sorte de signature du premier romantisme et de sa propre conception de la pensée. "L'ironie n'est pas le dogmatisme pour Schlegel, elle est une vertu critique qui défait toute certitude. Il faut ouvrir l'ironie à partir de cette destitution des certitudes", selon Jacques-Olivier Bégot.
L’ironie de Swift sert à critiquer les Modernes en s'en moquant et en alertant les lecteurs d’un danger qui se fait de plus en plus pressant. Il leur reproche une arrogance qui consiste à penser que l'on peut percer les mystères humains, ce qui constitue un enjeu philosophie et théologique pour Nathalie Zimpfer. Schlegel, quant à lui, est d'abord partisan des Anciens avant de soutenir les Modernes et de devenir ensuite un acteur important du romantisme. L’ironie devient une caractéristique de ce mouvement qui est à l'époque avant-gardiste. Il l'utilise au travers de la forme de l'aphorisme, non pas tant pour se ranger dans un des deux camps que pour pointer les limites de chacune de ces deux approches, afin de militer ensuite pour leur réconciliation.
Sons diffusés
- Archive : Vladimir Jankélévitch, 16 janvier 1974, “Le grand échiquier”, ORTF
- Lecture : Jonathan Swift, The Battle of the Books (1704), traduction Émile Pons, Pléiade, pp. 546‑547
- Archive : Gérard Genette, 13 mars 1977, “Poésie ininterrompue”, France Culture
- Lecture : Friedrich Schlegel, Fragments critiques, fragment 42, 1797
- Archive : Gaston Bachelard, 31 mars 1954, “Connaissance de l’homme”, RTF
- Chanson : Orelsan, “Tout va bien” dans l’album La fête est finie (2017)