On trouve quelque part dans Les Misérables cette phrase de Victor Hugo : "Elle sut tout de suite toute la science du chapeau, de la robe, du mantelet, du brodequin, de la manchette, de l’étoffe qui va, de la couleur qui sied, cette science qui fait de la femme parisienne quelque chose de si charmant, de si profond et de si dangereux." C’est joli et cela parle beaucoup de science, et même de plusieurs sciences. Mais qu’est-ce que la science ? Que sont les sciences ?
Il n’existe sans doute pas de définition précise de la science, car la science n’en est pas une
Les sciences diffèrent entre elles par leurs objets, leurs moyens, leurs méthodologies, leur histoire, leur statut. Toutefois, toutes sont censées répondre à cette caractérisation martelée par le philosophe Karl Popper, qui est certes imparfaite car autoréférente, mais qu’il est très utile et très important de rappeler par les temps qui courent : les sciences sont l’aboutissement de l’organisation collective de controverses scientifiques. Elles ne sont pas affaire de proclamations individuelles urbi et orbi, mais procèdent, dit-il, de "la coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir". Pour pouvoir être dit à la fin "scientifique", un résultat doit d’abord être passé sous les fourches caudines des "pairs", ce qui peut donner matière à discussions, voire à de longues et homériques disputes.
Bien sûr, cela ne met pas à l’abri d’éventuelles erreurs plus ou moins persistantes, car les scientifiques ne parviennent jamais à s’émanciper de la condition humaine à laquelle, comme tout le monde, ils appartiennent : ils sont donc capables de se tromper, de ne pas être objectifs, d’être influencés par de multiples biais, culturels, philosophiques, idéologiques, voire de carrément délirer. Mais c’est grâce à cette épreuve liminaire, et non par une cure de désintéressement personnalisée qu’auraient suivi les scientifiques, que la science peut finalement prétendre avoir fait parler, de façon à peu près claire, un bout du réel. Ainsi, l’objectivité de la science ne provient-elle pas de l’objectivité spontanée des scientifiques eux-mêmes : elle est toujours le résultat d’une lente et laborieuse objectivation collective. (...)
La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, sciences, philosophie, histoire de l'art… Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Le Pourquoi du comment" ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n'osez poser.
