Retour de la guerre interétatique en Europe, bouleversement des relations internationales, déclin des démocraties et montée des populismes d’extrême-droite : comment qualifier notre monde ? Est-ce la fin d’une époque, le début d’une nouvelle ? Pierre Vimont pense que nous sommes probablement dans un entre deux avec toutes les conséquences qui en découlent : « l'ordre international est en train d'être profondément bouleversé, et nous n'arrivons pas encore à définir un ordre mondial nouveau. » Dans un monde globalisé, très interconnecté, de nouveaux défis se présentent à nous, observe le diplomate : « le changement climatique, les nouvelles technologies. On le voit très bien avec cette guerre en Ukraine, qui est la première grande guerre du XXIe siècle, se développe dans des dimensions nouvelles que l'on n'a jamais connues avant : les cyberattaques, la désinformation, et tout ce qui se passe sur le terrain de la guerre conventionnelle, comme la menace d'escalade nucléaire, ce qui est tout à fait nouveau. »
Un nouvel ordre mondial
Assiste-t-on à la fin de la domination occidentale ? Pour Pierre Vimont, l’une des évolutions les plus importantes de ces dernières années est la montée d’un « Sud global » et de ses revendications : « Ces pays qui ne sont pas les grandes puissances (l'Afrique, l'Amérique Latine, l'Asie et d'autres) n'acceptent plus ce que l'on appelle aujourd'hui le « narratif occidental », c'est-à-dire l'ordre multilatéral tel qu'on l'a mis en place en 1945. Ils n'acceptent plus les discours sur le modèle démocratique occidental, ils en ont assez des leçons de morale. (...) Nous devons retrouver une manière de dialoguer avec ces pays, rétablir une confiance qui n'existe plus. » Le diplomate observe l'émergence d'autres puissances comme la Chine « qui est venue se joindre aux Etats-Unis et à la Russie » ou l'Inde et la Turquie, qui souhaitent ardemment exercer un rôle sur la scène internationale : « nous devons en tenir compte, et accepter de leur donner toute leur place. »
De nouveaux médiateurs
Multiplication des acteurs étatiques, émergence de nouveaux médiateurs privés, d’agences, de think tanks : de quel œil voit-il l’évolution de la diplomatie ? Pierre Vimont y voit une « indispensable complémentarité » De nouveaux acteurs sont apparus sur la scène internationale : « les associations, les ONG, les chefs d'entreprise, Billes Gates par exemple est un acteur important, à la fois dans le domaine du développement, et dans tout ce qui s'est fait au moment de la pandémie de Covid. »
Pierre Vimont est aujourd’hui Senior Fellow à la Fondation Carnegie Europe, directeur du Conseil d’administration du Centre du dialogue humanitaire à Genève et enseignant à l’université de Columbia à New York. C’est là qu’il dispense ses conseils aux plus grands de ce monde et aux plus jeunes, les diplomates de demain.
Générique
Une série d’entretiens proposée par Caroline Broué. Réalisation : Guillaume Baldy. Prise de son : Loïc Duros. Chargée de programmes : Daphné Abgrall. Coordination : Florian Delorme.
Pour aller plus loin
Pierre Vimont, « Religion et droits de l’homme : une perspective européenne », dans : La Diplomatie au défi des religions. Tensions, guerres, médiations. Ed. Odile Jacob, « Hors collection », 2014, p. 329-335.
Pierre Vimont, « Nation et Europe : la difficile synthèse de la diplomatie française », Revue Défense Nationale, 2021/6 (N° 841), p. 24-30.
Pierre Vimont, « L’ordre international face à l’Amérique de Trump », Politique étrangère, 2017/4 (Hiver), p. 65-74
Les trois tomes de la BD Quai d’Orsay de Christophe Blain et Abel Lanzac (Ed. Dargaud).
Quai d’Orsay, film de Bertrand Tavernier (2013). Disponible en VOD sur Canal+