Comment fait-on pour ne pas voir ce qui crève les yeux, ce qui fait la une des médias : l'ambition d'un jeune énarque nommé Emmanuel Macron, un homme à qui certains n'hésitent pas à prêter - vous n'allez pas me croire - le souhait de se présenter aux élections présidentielles en 2017. Je ne sais pas si vous allez me croire ou pas mais François Hollande, lui n'y croyait pas... Et c'est le superfail de la semaine. Pour comprendre pourquoi François Hollande n'a pas cru en la candidature d'Emmanuel Macron en 2017, nous sommes allés interroger le journaliste au journal Le Monde Gérard Davet, co-auteur avec Fabrice Lhomme de l'ouvrage Le traître et le néant (Ed. Fayard, 2021).
Macron-Hollande : une relation quasi-filiale
Arrivé dans l'équipe gouvernementale dès 2012, en tant que secrétaire général adjoint du cabinet du président François Hollande, Emmanuel Macron et le président socialiste ont rapidement noué une relation forte, quasi-filiale. François Hollande s'exprimait à l'époque fréquemment sur les qualités de celui qu'il considérait comme son élève en politique, c'est ce que raconte Gérard Davet, qui a eu l'occasion de l'interviewer lors de son quinquennat : "Il s'est entiché d'Emmanuel Macron. Il nous a dit plus d'une fois, "Emmanuel Macron c'est moi, il sera prêt pour 2022 ou 2027 éventuellement.".
Dans l'entourage proche de François Hollande, plusieurs conseillers pousseront d'ailleurs le jeune politicien à gravir les échelons. C'est le cas notamment de Jean-Pierre Jouyet et de Gaspard Gantzer et de manière plus étonnante, de Manuel Valls. Devenu ministre de l'économie en 2014, l'ambition d'Emmanuel Macron devient de plus en plus claire pour les responsables de l'époque. "Manuel Valls a compris qu'Emmanuel Macron ne s'arrêterait pas à ce poste à Bercy", se rappelle Gérard Davet. Une clairvoyance que n'aura pas François Hollande.
La trahison suprême
Le 30 août 2016, Emmanuel Macron démissionne de son poste de ministre de l'économie pour se consacrer pleinement à son mouvement lancé récemment, le mouvement En Marche!. Dans un premier temps, François Hollande semble avoir des difficultés à admettre l'évidence, c'est ce qu'explique le journaliste Gérard Davet : "Ce jour-là, on lui a demandé s'il s'était douté de quelque chose. Il a été incapable de dire "Il m'a trahi." (...). C'était une forme de déception amoureuse politique en quelque sorte.".
Si le président socialiste finit par admettre la réalité, il ne croit cependant pas que le candidat Macron ait des chances de remporter l'élection présidentielle. Depuis son élection, François Hollande semble nourrir une forme de ressentiment vis à vis de son successeur, prenant la parole à plusieurs reprises dans les médias pour marquer son scepticisme vis à vis de la politique menée par Emmanuel Macron. Gérard Davet explique : "François Hollande est constamment dans la critique d'Emmanuel Macron. Critique qu'il veut constructive par instants. Mais il aime à rappeler que la courbe du chômage a baissé sous son quinquennat et pas sous celui d'Emmanuel Macron (...). Ce dont il rêve c'est que l'on revisite son quinquennat de manière un peu plus positive."
