« Les Grecs n'étaient ni les premiers ni les seuls à se considérer supérieurs, mais ils furent les premiers à établir une distinction formelle », Benjamin Isaac, historien.
De l'avis de la plupart des historiens, parler de racisme avant la notion de race, définie au XVIIIe siècle au moment fort de la traite et de l'esclavage colonial aux Amériques, est un anachronisme.
Pourtant, le philosophe Christian Delacampagne expliquait dès 1983 : “On entend par racisme un discours qui vise à exclure ou à déclarer moindre une catégorie d'hommes au nom d'une infériorité de type biologique, c'est-à-dire congénitale et héréditaire. Ce type de discours à un lieu de naissance qui est la civilisation occidentale - l'Europe occidentale - notre culture héritière du monde gréco-romain et une date de naissance qui se situe également dans l'Antiquité gréco-romaine, contrairement à ce qui a été soutenu jusqu'ici par la plupart des historiens du racisme qui se sont contentés de le faire commencer au XVIIIᵉ ou, dans le meilleur des cas, aux XVIᵉ et XVIIᵉ siècles.”
Une question en débat, car pour l’historien Paulin Ismard, “la vraie rupture se trouve bien à partir du XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècle”. D’ailleurs, il s’interroge : “ Comment parler de racisme sans qu'il y ait le concept de race ? Sans cela, le mot en devient léger et inconsistant. Employer le terme de race et de racisme pour décrire des phénomènes de discrimination, de subordination, d'exploitation, d'altérisation qui sont immensément nombreux dans l'Antiquité gréco-romaine et au Moyen-Âge, ça obscurcit plutôt que ça n'éclaire ces phénomènes-là”.
Ce premier épisode questionne l'héritage grec, fondateur à plus d'un titre des sociétés occidentales. Où l'on mesure l'importance d'auteurs comme Hippocrate ou Aristote pour justifier, des siècles plus tard, de supposées différences naturelles entre les êtres et légitimer la pratique de l'esclavage. L'historien Benjamin Isaac n'hésite pas à parler de proto-racisme pour qualifier l'Antiquité...
Un documentaire de Stéphane Bonnefoi, réalisé par Diphy Mariani**.
Avec :
- Salah Trabelsi, historien
- Maboula Soumahoro, historienne
- Maarten Couttenier, conservateur de l'Africa Museum de Tervuren, Belgique
- Marie-Reine Lyumva, Africa Museum
- Paulin Ismard, historien
- Benjamin Isaac, historien
- Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne
- Corinne Bonnet, historienne
- Aurélia Michel, historienne
- Magali Bessone, philosophe
- Salomé Ysebaert, Africa Museum
Bibliographie
Paulin Ismard, Les mondes de l’esclavage, Seuil
* Benjamin Isaac, The invention of racism in classical antiquity, Princeton university press
* Salah Trabelsi, Résistances et mémoires des esclavages, Karthala
* Christian Delacampagne, L’invention du racisme, Fayard
* Catherine Coquery-Vidrovitch, Être esclave, La Découverte
* Corinne Bonnet (collectif), Connaître l’antiquité, PU Rennes