On sait désormais qu’entre 5 et 10% des Français ont été victimes de violences sexuelles dans l’enfance, le plus souvent dans la sphère familiale. Pourtant, le système juridique est gravement défaillant. 70% des affaires d'inceste sont classées sans suite. De nombreuses autres aboutissent à un non-lieu. 1% seulement des auteurs d'inceste sont sanctionnés pénalement. Première cause, la lenteur des enquêtes comme le rappelle l’avocate Cécile De Oliveira : “ Là où la justice devrait être vraiment perfectible, c'est dans les délais de traitement de ces affaires“. Cette lenteur, comme en témoignent les victimes est une souffrance supplémentaire : “ Moi en l’occurrence, je suis mort émotionnellement. J'ai eu une anesthésie émotionnelle de 11 ans et demi, jusqu'à mes 34 ans au sortir du procès le 29 mai 2013. “
Un autre problème est la non-reconnaissance de la parole des victimes. Pourtant, il s’agit bien d’un crime, pour Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, “ la justice, actuellement, n'est pas capable ou ne veut pas protéger les petits enfants qui parlent d'inceste. “ Alors que rappelle-t-elle “ ce qui est fondamental au départ, c'est l'audition de l'enfant, parce que c'est par l'audition de l'enfant que le magistrat va décider ou non de poursuite “, par ailleurs, elle souligne l’importance de la formation des policiers : “ Il faut que les policiers, les gendarmes soient formés et je ne dis pas seulement formés, il faut qu'ils soient volontaires pour faire ça, qu'ils aient envie de le faire. “
Edouard Durand juge pour enfants et co-président de la CIIVISE, constate également un dérèglement au niveau judiciaire : “ La mise en pratique de la loi reste insuffisamment protectrice. L'immensité des classements sans suite des plaintes déposées pour des violences sexuelles faites aux enfants et le nombre extrêmement faible de condamnations montrent que les agresseurs bénéficient, quoiqu'on dise d'un système d'impunité. “
Mais pourquoi la justice française a tant de mal à croire les victimes ? Pourquoi lorsqu’une mère porte plainte, on ne la croit pas, et on la culpabilise ?
C’est l’histoire d’une mère qui est mal reçue par justice. Une très longue histoire parmi tant d’autres.
Un documentaire de Johanna Bedeau, réalisé par Marie-Laure Ciboulet.
Avec :
Merci au Capitaine Di Lullo, au Commandant Giga, chef de l’unité des atteintes aux personnes ; au Commissaire Dumas, chef de la sureté départementale ; à toute l’équipe de Brigade de la famille de Nîmes ; au Dr Tisseron et à l’équipe de l’ Unité médico-judiciaire pédiatrique d’Orléans
Liens
Les infractions sexuelles sur mineur : sur le site Service-public.fr
Police et sécurité : lutte contre l'inceste sur les mineurs et accompagnement des victimes. Débats et loi du 8 février 2010, sur le site de l’Assemblée nationale.
Analyse de la Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, en ligne sur le site Village-justice.com.
[Qualifier pénalement l’inceste : les incertitudes du droit pénal français contemporain, par Marie Romero, In Cahiers d'anthropologie sociale n°15, 2017.](https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-anthropologie-sociale-2017-2-page-127.htm https://bit.ly/3Jjcf5J)
Fabienne Giuliani : L'écriture du crime : l’inceste dans les archives judiciaires françaises (1791-1898) in L’Atelier du Centre de recherches historiques n°05, 2009.
L’inceste et le droit civil : mémoire de master en droit fondamental de Lucie Dupin, université Lyon-3, 2017