La Bhagavadgītā, ou Chant du Bienheureux est un poème mystique et philosophique rédigé en sanscrit aux alentours du IIIe siècle avant J.-C. Il fut élevé au rang de texte sacré par les Hindous.
Episode le plus célèbre de l’épopée du Mahabharata, il rapporte l’enseignement délivré par le dieu Krishna au guerrier Arjuna.
Arjuna de la lignée des Pandava, s'apprête à affronter ses cousins de la lignée des Kaurava, lorsque, tel Achille au début de L'Illiade qui est pris d'une colère noire, il décide lui aussi de se retirer du combat.
À la différence d'Achille, il n'est pas en colère, mais il doute, il doute tellement qu'il est pris de vertige, face à un dilemme moral qui signe l'entrée dans une nouvelle ère de questionnement : qui doit-il écouter ? Son devoir de guerrier qui lui prescrit de tuer tous les membres de sa famille ? Ou bien le respect de sa parenté commune doit-il le conduire à renoncer à son honneur militaire ?
Dans les deux cas, il devra sacrifier, ou son honneur ou sa famille, et renoncer, soit à son honneur, soit à sa famille.
L'invité du jour
Marc Ballanfat, professeur de philosophie honoraire en Classes Préparatoires, traducteur de textes sanscrits et spécialiste des philosophies indiennes
Une immense épopée
La Bhagavadgītā fait partie d'une immense épopée qu'on appelle le Mahabharata qui a été composée sur quatre ou cinq siècles. Pendant des siècles, des gens ont composé et ajouté des histoires qui se sont enchâssées les unes dans les autres.
Marc Ballanfat
La voie du renoncement
Krishna va proposer à Arjuna une troisième voie possible : celle du renoncement. Il faut renoncer à investir des désirs dans les actes. Tant qu'on recherche une satisfaction, on ne peut pas être dans le renoncement. Krishna va lui montrer que dans une guerre on ne peut pas poursuivre une satisfaction, il n'y a pas de plaisir, il n'y a pas d'honneur, ni de richesse à obtenir d'une guerre. Une guerre c'est un sacrifice un point c'est tout.
Marc Ballanfat
Annoncer quelque chose en retour
Il est dommage qu'aujourd'hui le mot renoncer soit utilisé uniquement dans un sens négatif. Jusqu'au XIIe siècle, renoncer signifie "annoncer en retour". Renoncer oui, à condition d'annoncer quelque chose en retour. Il faut pouvoir abandonner les choses. Un sacrifice est un abandon, je dois être prêt à abandonner ma vie s'il le faut, mais à condition que cela annonce quelque chose en retour. Sinon c'est un renoncement qui serait purement négatif et inutile.
Marc Ballanfat
Renoncer à être l'auteur de ses actes
Le deuxième niveau de renoncement consiste à renoncer à être l'auteur de ses actes. C'est un renoncement philosophique, plus exigeant que le premier car il ne s'agit pas seulement de renoncer à justifier ses actes, mais de renoncer même à en être l'auteur. C'est la nature qui est l'auteur, c'est elle qui fait que les hommes s'opposent les uns aux autres. Dans la Bhagavadgītā il n'y a pas de libre arbitre, d'une certaine manière, d'autres ont déjà choisi pour nous. Il y a beaucoup de parallèles avec le stoïcisme.
Marc Ballanfat
Textes lus par Bernard Gabay :
- La Bhagavadgītā, Chant III, vers 4-8, éditions Garnier Flammarion, traduction et présentation par Marc Ballanfat, 2007 (avec une musique de Hariprasad Chaurasia, Raga mangal dhwani : jod & jhala)
- La Bhagavadgītā, Chant VI, vers 20-27, éditions Garnier Flammarion, traduction et présentation par Marc Ballanfat, 2007
- La Bhagavadgītā, Chant IV, vers 17-22, éditions Garnier Flammarion, traduction et présentation par Marc Ballanfat, 2007 (avec une musique de Hariprasad Chaurasia, Raga Durgawati : drut gat in teental)
Sons diffusés :
- Lecture de François Chaumette dela Bhagavadgītā, Chant I, vers 28-31 & 45-46
- Archive, récit du début du Mahabharata par Jean-Claude Carrière, 1998
- Extrait du film Gandhi de Richard Attenborough, 1983
- Extrait d'un courrier de poilus, dans Paroles de poilus : lettres et carnets du front 1914-1918, de Jean-Pierre Guéno, 2012
- Musique de The Bobs, Slow Down Krishna