Podcast

Cinéma et séries TV : qu'est-ce qui détermine le sexisme à l'écran ?

Giulia Foïs
Diffusé le jeudi, 05 novembre 2020 (3 min)


Giulia Foïs vous propose de réviser vos classiques en matière de cinéma et revient sur les nombreux éléments cinématographiques qui font qu'un film ou une série est plus sexiste que d'autres. 20% seulement des films vus par les Français entre 2012 et 2016, étaient réalisés par des femmes (CNC).


   
Provient de l'émission
En marge

Au programme
  • Alors par exemple, vous pouvez vous faire "J’accuse", en VOD. Oui, oui, le film de Polanski. Déjà parce que la vérité, c’est que vous faites exactement ce que vous voulez. Je sais, ça avait son petit côté délirant, alléchant d’imaginer une horde de féministes déchaînées, folles, furieuses, et pourquoi pas à moitié nues, déboulant sur la planète culture, prêtes à en brûler toute production artistique masculine, émasculant ainsi tout un pan de notre imaginaire. Oui, mais non. N’en déplaise à nos fantasmes, il n’en a jamais été question. Comme il n’a jamais été question de remplacer une domination par une autre, de grand remplacement bis, ou de matriarcat. C’est beaucoup plus simple que ça, plus logique, et je dirai presque mathématique : on parle de mixité, on parle d’équité et on part du « male gaze ». 

    Le "male gaze" pour les néophytes ?

    Littéralement, c’est le regard masculin. Regard masculin porté sur le monde, une façon de le décrire, de le penser, de le filmer. Le concept même fait bondir les universalistes, les générations féministes qui nous ont précédées parce que, dans les années 70, quand on se battait pour les droits des femmes, on le faisait justement sur l’idée que nous nous valions tous, parce que nous étions tous pareils. Il ne pouvait y avoir un cinéma masculin et un cinéma féminin. L’artiste était donc une sorte de pur esprit, détaché de sa culture, de son vécu, de son éducation. 

    Et le masculin, lui, était, selon la formule d’Ivan Jablonca, à la fois le "neutre, le supérieur, et l’universel". Pourquoi ? Parce que, si on se réfère aux chiffres du CNC, 20% seulement des films vus par les Français entre 2012 et 2016, étaient réalisés par des femmes. Dans 80% des cas, nous allons voir des films d’hommes qui, aussi singuliers soient-ils, ont tout de même reçu des valeurs communes en héritage : une certaine idée de la virilité, à la fois blanche, cis-genre, et hétérosexuelle, et donc un certain rapport au monde. 

    Car oui, comme tout le monde, les artistes ont des biais de pensée, même minimes, mêmes inconscients, même mélangés à d’autres biais – ils sont par exemple, issus aussi d’un certain milieu social, ils ont une certaine orientation sexuelle. C’est la somme ou le mélange de tous ces biais qui font leur singularité, mais le point de vue masculin, le « male gaze », lui, existe bien comme norme dominante. Attention, on parle ici de genre et non de sexe biologique. Autrement dit, de construction sociale et pas d’assignation à résidence, dès la naissance, ferme et définitive. 

    Nous avons tous été nourris par ce « male gaze », donc spontanément, à notre tour, nous le reproduisons. Des femmes peuvent tout à fait l’avoir adopté et porter un regard sur le monde qui leur vient aussi, de là. Il faut, pour proposer autre chose, s’être émancipée de la norme. Il faut avoir pris conscience de son poids, s’en être libéré, et avoir tracé sa propre route. Il faut à un moment ou à un autre, pour une raison ou pour une autre, être sortie du système, soit parce qu’on est punk, soit parce qu’on est féministe, soit parce qu’on est lesbienne, soit, quand on s’appelle Virginie Despentes, parce que les trois à la fois. Elle, et quelques autres, proposent un « female gaze », qui bien évidemment, ne se substitue pas au « male gaze », mais qui, tout simplement, l’équilibre et le complète.

    Qu'est-ce que ça change le "female gaze" ?

    Eh bien pas mal de choses, en fait… Pour vous en rendre compte, vous pouvez vous amuser avec le test de Bechdel. C’est une illustratrice américaine, Alison Bechdel, qui l’a élaboré au milieu des années 80. Vous prenez un film, n’importe lequel, au hasard. Vous regardez si : 

    • Il y a au moins deux personnages féminins dotés d’un nom et d’un prénom
    • Si ces deux femmes parlent entre elles, sans avoir besoin d’un homme avec elle
    • Si elles parlent d’autres choses que des hommes. 

    Si vous cochez oui à ces trois cases, alors oui, le film, le cinéaste, le scénario ont fait l’effort de s’intéresser réellement à l’autre moitié de l’humanité – qui, du coup, s’y trouvera mieux représentée et aura un tout petit peu plus l’impression qu’on s’adresse à elle. Alors évidemment, c’est un critère nécessaire mais non suffisant. On peut tout à fait réussir ce test et avoir fait un film parfaitement sexiste. Mais disons que c’est une base de départ intéressante. Intéressante et un peu déprimante si on examine les choses à grande échelle. 

    En 2016, le média américain Polygraph passait ainsi 4000 films au crible de Bechdel : 40% d’entre eux ne passaient pas la barre. Vous imaginez, 1600 films ont été infoutus de créer deux personnages féminins qui auraient un nom et un prénom et qui seraient capables de parler entre elles d’autres choses que des hommes ? Ouaip y a du boulot. Mais c’est pour ça qu’on est là !

Illustration
En marge
Copyright
  • Radio France
Collection

Consulter en ligne

Suggestions

Du même auteur

Podcast

La série "Star Trek" embrasse les genres

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le mardi, 29 septembre 2020  (Durée 3 min)

Aujourd'hui, il est question de la série Star Trek qui embrasse les genres, de la tempête #MeToo qui déferle sur l'Afrique, et des trolls sexistes sur Twitter.

Podcast

Uniques en leur (trans)genre: Elisa Bligny et Amé

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le vendredi, 04 décembre 2020  (Durée 49 min)

Elisa Bligny et son fils Amé sont nos invités cette semaine, pour le livre "Mon ado change de genre".

Podcast

Allemagne : quand une femme voilée ne fait (pas) scandale

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le mardi, 19 novembre 2019  (Durée 4 min)

Cette semaine, de bonnes nouvelles dans notre tour du monde des droits des femmes : on parlera d'une pub Nike allemande où l'on voit Zeina Nassar, boxeuse et voilée... Et outre-Rhin, ça ne fait point ...

Podcast

Marie Clémence Bordet Nicaise : chrétienne, bourgeoise et mariée avec une femme

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le vendredi, 25 décembre 2020  (Durée 53 min)

En ce jour de Noël, nous voulions, nous aussi, célébrer la famille. Charlie, 2 ans et demi, Aurore et Marie-Clémence, ses deux mamans. Marie-Clémence n’était pas tout à fait destinée à cette vie là. ...

Podcast

Dictionnaire enrichi de la langue française

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le jeudi, 01 juillet 2021  (Durée 5 min)

… Dictionnaire enrichi par ces trois dernières années de débats, de combats que j’ai eu le plaisir de venir vous raconter tous les jeudis. Malgré tous les classements sans suite, le silence encore cri...

Podcast

Lettre à Gérald Darmanin

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le jeudi, 24 septembre 2020  (Durée 3 min)

Malgré la disparition de Ruth Bader Ginburg qui l'affecte, Giulia Fois n'a pas pu résister, il fallait qu'elle écrive au ministre de l'Intérieur.

Podcast

Les fragrances sexistes existent-elles ?

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le jeudi, 13 mai 2021  (Durée 4 min)

Absolument pas ! Aujourd’hui, le parfum est mixte, il est universel, il est pour tous, à partager, il est unisexe… Il est, surtout, révélateur de la façon dont les marques surfent sur la vague féminis...

Podcast

Des wagons sans couillons

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le jeudi, 26 septembre 2019  (Durée 3 min)

C’est le nom de la nouvelle campagne lancée ce mois-ci par "Osez le féminisme" avec un hashtag pour que les internautes puissent témoigner sur Twitter, aussi un questionnaire en ligne à remplir sur le...

Podcast

Mon fils a trois ans, je suis en culpa !

En marge

Giulia Foïs
Diffusé le jeudi, 29 août 2019  (Durée 4 min)

Pour sa rentrée Giulia Fois a décidé de s'adresser à sa chair, son sang, son être de lumière, sa splendeur, sa vie qui a eu trois ans aujourd'hui.

Chargement des enrichissements...