Valérie est née dans le massif du Morvan, elle s'y est installée avec ses brebis, loin de tout, au beau milieu de la forêt. Elle a été témoin de coupes à blanc, non loin de chez elle. Les coupes à blanc, également appelées "coupes rases" se définissent par l'abattage de la totalité des arbres d'une parcelle forestière. Elles sont une menace pour la biodiversité, puisqu’elles délogent les mammifères, les oiseaux et les insectes qui vivent dans le bois, détruisent les champignons, les plantes qui contribuent à l’écosystème forestier et empêchent la faune du sol de se reconstituer. En voyant les coupes rases s'étendre, Valérie a dû agir, et s'est engagée corps et âme dans la bataille contre ces pratiques. Elle est rejointe par d'autres habitants et ensemble, ils forment une association de lutte pour la protection de la forêt.
"J'ai pleuré en voyant les arbres coupés."
“Tout a commencé en 1993. Au mois de juin, j'ai vu arriver des bûcherons qui ont coupé des arbres, nuit et jour. À chaque fois qu'un arbre tombait, je ne respirais plus. J'ai tout de suite compris que ce n'était pas une coupe traditionnelle, c'était une coupe à blanc.” Valérie
La désolation partagée avec ses voisins pousse Valérie à se lancer dans une grève de la faim en juillet 1993. Les coupes sont stoppées immédiatement, puis reprennent quelque temps plus tard. Valérie se met alors en travers du chemin des bûcherons, "soit ils m'écrasaient, soit ils reculaient", et en sort victorieuse.
“Il faut savoir que quand on parle de coupe à blanc, il ne reste plus rien. Pas un arbre. Et qui dit coupe rase, dit enrésinement et donc monoculture de sapins de Douglas en rang d'oignon. Ce n'est plus du tout une culture diversifiée, il n'y a plus rien, il n'y a plus de vie en dessous.” Valérie
Lucienne, inconditionnelle amoureuse de la forêt du Morvan, milite également pour la protection des bois. Elle a vu le paysage changer autour d'elle, la forêt se vider de ses grands arbres feuillus pour être remplacés par des plantations de monocultures. Sa passion pour les arbres l'a poussée à rejoindre le combat pour une gestion raisonnée des forêts. Elle alerte sur les dangers de la monoculture qui appauvrit les sols et les rend peu à peu stériles.
“Lorsque vous mettez votre oreille contre un arbre, on sent les sensations de cet arbre, on a l'impression qu'il nous redonne de l'énergie, ça vit !” Lucienne
“À l'époque, on coupait de grands arbres feuillus, on les sciait à la base pour les faire mourir. Alors, vous aviez dans le paysage des arbres morts, encore debout, et je trouvais ça scandaleux.” Lucienne
“C'est terrible parce que le bois devient un produit consommable comme n'importe quel produit. Mais avant de dire qu'on consomme du bois, il faut penser à la forêt. Il ne suffit pas de claquer dans ses doigts pour avoir du bois, on ne peut pas demander à la forêt de s'adapter au marché.” Lucienne
Jean-Luc est arrivé dans le Morvan il y a cinq ans et habite un chalet dans la forêt, il est directement impacté par les coupes rases et l'enrésinement, ce phénomène de remplacement des forêts de feuillus par des plantations de résineux. Étant membre d'une association de protection des forêts, il étudie et dénonce les pratiques des industriels qui dérèglent l'écosystème dans un but économique et commercial.
“On s'est rendu compte, en termes de traçabilité, que les forêts de feuillus étaient décimées, que des chênes centenaires et bicentenaires étaient coupés pour faire du bois de chauffage.” Jean-Luc
“On doit vraiment dissocier les plantations de sapins Douglas des véritables forêts. On estime aujourd'hui que les forêts véritables ne représentent pas plus de 40 % de la surface totale des forêts du Morvan.” Jean-Luc
“La composition de la forêt et les méthodes de gestion durables sont directement liées aux débouchés économiques.” Sylvain
Merci à Valérie Bernadat, Lucienne Haeze, Jean-Luc Pillard, Sylvain Angerand, Jean-Luc Luyssen, Dominique Parent, l'association Autun Morvan Ecologie et Canopée Forêts Vivantes.
- Reportage : Cécile Laffon
- Réalisation : Clémence Gross et Laure-Hélène Planchet
Des nouvelles
En 2022, l'enrésinement est toujours aussi présent dans le Morvan. Une année plus tôt, Valérie Bernadat s’est de nouveau mobilisée contre une coupe rase au Mont Touleur. Les propriétaires ont alors changé leur mode d’exploitation.
Musique de fin : Pendant que les champs brûlent de Niagara.