Originaire de la ville d'Agen, le comédien et metteur en scène Michel Fau part à Paris à l'âge de 18 ans pour suivre une formation au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris avec comme professeurs Pierre Vial, Michel Bouquet et Gérard Desarthe.
Je suis arrivé à Paris très naïf, en pensant que le théâtre était très ouvert, qu'on était très libre, c'était le lieu de l'extravagance, de la dérision, du lyrisme. Et en fait je me suis rendu compte que ce n'était pas du tout comme ça, que c'était très cloisonné. Ça été douloureux de réaliser que le théâtre dont je rêvais n'existait pas ou plus, et en même temps, ça a fait ma force, et ce que je suis aujourd'hui. Aujourd'hui, je fais le théâtre qui m'a fait rêver ado. Mais ça a mis du temps …
Michel Fau
Pendant près 20 ans, il a souvent été dirigé par Olivier Py jusqu'à la fin des années 2000 où il a commencé à faire lui-même de la mise en scène de théâtre et d'opéra. Sa rencontre avec le metteur en scène Olivier Py est décisive : avec lui, il jouera dans La Servante, Le Visage d’Orphée, L’Apocalypse Joyeuse, Le Soulier de Satin de Paul Claude_l, L’Orestie_ d’Eschyle_, Les Enfants de Saturne_... Michel Fau a mis en scène de nombreuse actrices et acteurs : Julie Depardieu dans Le Misanthrope de Molière (nomination pour le Molière 2014 du meilleur metteur-en-scène) et dans Nono de Sacha Guitry, Charlotte de Turckheim, Gaspard Ulliel dans Que faire de Mister Sloane ? de Joe Orton, Léa Drucker dans Demain il fera jour de Henry de Montherlant, Audrey Tautou dans Maison de poupée de Henrik Ibsen.
En 2017, c’est aux côtés de Michel Bouquet, dans Le Tartuffe de Molière que ses talents de comédien et de metteur en scène s’exprimaient. Michel Fau met également en scène des opéras (Bastien et Bastienne de Mozart, Madame Butterfly de Puccini, Eugène Onéguine de Tchaïkovski, Rigoletto de Verdi…). De riches expériences qui lui ont permis d'enseigner au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris ainsi qu'au Cours Florent.
Depuis un quart de siècle, on a pu le voir au cinéma dans des films réalisés par Albert Dupontel, Dominik Moll, François Ozon, Benoit Jacquot, Noémie Lvovsky, Jean-Michel Ribes, Christophe Honoré, Edouard Baer, André Téchiné ou encore Xavier Giannoli pour qui il jouera dans Marguerite, qui le fera connaître du grand public.
Liberté et exaltation du jeu
J'essaie de me renouveler car j'ai peur de faire éternellement le même spectacle. Tout ne se joue pas de la même façon, il y a des musiques différentes dans chaque texte. Il y a des pièces que je n'aurais pas monté si je n'avais pas eu les acteurs qui me faisaient rêver. C'est l'association d'un acteur avec un texte qui décide du projet. Par exemple "Maison de poupée", d'Ibsen, c'est la rencontre avec Audrey Tautou qui a décidé ça. J'essaie de ne pas avoir d’œillères sur les acteurs, j'essaie de bousculer les codes et souvent ça se passe très bien. Je ne veux pas m'empêcher de fantasmer sur Michel Bouquet autant que sur Chantal Ladsou et Gaspard Ulliel ou Geneviève Page. Mes goûts sont métissés et différents, mais comme tout le monde. (...) .Je me fait influencé par pleins de mouvements et c'est cette addition qui fait ce que je suis, et qui alimente mon imaginaire. Jouer ensemble ça ne veut pas dire jouer pareil, souvent on fait l'erreur. Et il y a des gens qui peuvent jouer pareil et ne pas jouer le même spectacle. J'aime qu'on voit la personnalité de l'acteur. Mon travail est très esthétique, très codifié, ça pourrait être paralysant. Et en même temps je sais qu'on voit la personnalité des acteurs. Souvent, ils ont une certaine jubilation à jouer dans mes spectacles car ils ont une forme de liberté dans ce carcan très décidé.
Michel Fau
Michel Fau, acteur metteur en scène
J’ai toujours voulu faire de la mise en scène et jouer. Toute l’histoire du théâtre jusque dans les années 1980, les metteurs en scène étaient acteurs. Evidemment on parle de Jouvet, de Copeau, mais même plus proche de nous : Vilar, Planchon, Mesguich, Vitez, Alfredo Arias, Jérôme Deschamps, sont tous des comédiens qui faisaient de la mise en scène. Et puis dans les années 1980, on a commencé à dire que le metteur en scène doit être extérieur au spectacle, je ne sais pas, il y a eu toute une vague de metteurs en scène qui n’étaient pas acteurs. C’est en train de revenir maintenant, on le voit avec Thomas Jolly, Rodolphe Dana, les collectifs, tout ça. Mettre en scène et jouer, ça se passe très bien parce que mon ego de metteur en scène est tout de suite calmé parce que je dois aller sur scène et mes angoisses d’acteur sont calmées parce que je dois gérer le spectacle, donc c’est très sain.
Michel Fau
Un acteur lyrique qui poétise la vie
Je suis plutôt dans un théâtre ambigu, poétique et burlesque. J'ai une passion pour l'alexandrin classique et en même temps c'est tellement difficile, que je ne ferais pas ça toute ma vie. C'est de la musique pure, c'est passionnant, ça part de l'évidence de la parole mais totalement sublimé, c'est de la poésie pure. Michel Bouquet m'avait appris ça, de prendre le texte comme une partition musicale. J'essaie toujours de partir de la langue et du style, mais après j'ai mes fantasmes et ma névrose qui s'y mêlent. On fait une erreur en France de penser que le jeu réaliste c'est d'être sobre et de parler doucement alors que le jeu réaliste c'est Maurice Pialat. (...) Je me suis tellement ennuyé quand j'étais petit. Je voudrais que la vie soit toujours merveilleuse et excitante, et elle n'est pas comme ça. J'essaie toujours de décoller du sol, mais ça ne marche pas tout le temps, c'est épuisant ! Je suis un acteur lyrique qui poétise la vie, qui réinvente la vie.
Michel Fau
Pour aller plus loin
Entretien avec Michel Fau, comédien trans-genre(s) : à lire sur le site de la revue de critique culturelle, Rhinocéros
Toutes les pièces avec Michel Fau, ses mises en scène… sur le site des Archives du spectacle.
Michel Fau répond au questionnaire de Socrate dans Philomag.
Rencontre avec Michel Fau, proposée par la revue théâtrale Tchaika.
Réécoute du 21 août 2018