Elizabeth Warren, à 14 %. La seule surprise du moment, c’est l’arrivée parmi les candidats à la candidature de l’ancien maire de New York, Mike Bloomberg. Avec 9 %, le onzième homme le plus riche du monde ravit la 4e place à Pete Buttigieg, à 8%.
Ces cinq-là forment désormais le peloton de tête. Mais rien n’assure que le prochain candidat, ou la prochaine candidate démocrate à l’élection présidentielle se trouve parmi ces cinq-là.
Les quatre premiers cités sont en effet lourdement handicapés par leur âge. Alors que les élections de mid-term se sont traduites par un formidable rajeunissement de la Chambre des représentants, à majorité démocrate, Joe Biden a 77 ans, Bernie Sanders 78, Elizabeth Warren 70 et Mike Bloomberg, 77. Pete Buttigieg est jeune, et même très jeune pour le job : 37 ans. Trop jeune ? Ou bien trop modéré ? Il essuie régulièrement les deux reproches.
Un parti démocrate en pleine recomposition
Pour se repérer dans la jungle d’un parti en pleine recomposition, après le choc que lui a infligé la victoire, inattendue, de Donald Trump, on lira avec profit l’article publié par la revue Le Débat dans son numéro de janvier-février. Sous le titre "Nouvelle gauche américaine", Célia Belin et Paul Zajac dressent un tableau très clair des tendances qu’on peut distinguer actuellement au sein du parti démocrate. Comme le suggèrent les auteurs, chacune d’entre elles s’ancre dans une interprétation spécifique des causes de la victoire de Trump.
Vous avez l’establishment du Parti, ses caciques. Pour eux, l’élection de Trump a été un accident. Après tout, en nombre de voix, Hillary Clinton devançait largement le candidat républicain. Sa stratégie de coalition des cols bleus, des minorités et des diplômés doit donc être conservée. La victoire passe par la reconquête des vieux fiefs démocrates du Midwest, comme la Pennsylvanie et le Michigan, où les électeurs appartenant à la classe ouvrière doivent avoir compris, aujourd’hui, que Trump n’était pas leur héraut. Joe Biden, qui a qualifié l’élection du Donald "d’aberration" est le représentant de cette tendance.
Ensuite vient la "gauche sociale". Pour ses animateurs, "Donald Trump est le symptôme du décrochage des classes populaires et moyennes". Le parti de la gauche américaine s’est trop identifié aux élites des deux côtes. Il faut à présent qu’il s’attaque aux inégalités de revenus qui se sont lourdement aggravées aux Etats-Unis depuis la crise financière de 2008. Barack Obama devait, bien sûr, sauver les banques, afin d’éviter l’effondrement du système financier. Mais cela a été ressenti par une partie importante de l’opinion comme la preuve de la collusion des élites, politiques et financières. Il faut donc assumer un programme qu’on qualifie de "socialiste" aux Etats-Unis. Celui que proposent Bernie Sanders et Elizabeth Warren.
Pour "la gauche des minorités", Trump a été élu grâce aux voix des blancs racistes. Il est l’incarnation du "whitelash" - néologisme formé à partir du mot backlash. Or, les dernières élections ont vu l’arrivée à la Chambre des représentants d’une pléiade de jeunes militants, et surtout militantes de gauche, issues des minorités ethniques. La plus connue est Alexandria Ocasio-Cortez, 30 ans, élue à New York. Plusieurs candidats s’apparentent à ce courant, qui s’adresse également à la communauté LGBT : Kamala Harris, sénatrice de Californie ou encore Cory Booker, sénateur du New Jersey.
Enfin, il existe un courant que les auteurs qualifient "d’extrême-centre". Pour ses tenants, ce qui a provoqué la victoire de Trump, c’est l’hystérisation de la vie politique américaine. La victoire de l’opposition démocrate passe par un apaisement. Ils mettent en avant leur capacité à trouver des compromis, en abordant les problèmes de manière désidéologisée et près du terrain. Leur représentant le mieux placé dans les sondages, est Pete Buttigieg, qualifié de "Macron américain" par les médias. Il est marié avec un homme et "affiche une vie personnelle rangée". Il prône des valeurs de liberté et de sécurité, compatibles avec les préoccupations de l’électorat démocrate modéré, tenté hier par Trump.
Des électeurs victimes du syndrome FOBO
Les électeurs démocrates n’ont que l’embarras du choix. Leur problème serait plutôt, selon Patrick McGinnis le FOBO ou Fear of a better option.
Lorsque vous êtes confronté à une multiplicité de choix, qui semblent tous se valoir, et que vous ignorez ce que l’avenir vous réserve, il est très difficile de trancher. Et vous êtes enclin à conserver toutes les solutions disponibles le plus longtemps possible. C’est ce qui arrive au Parti démocrate.
Pour l’instant, il n’y a pas d’urgence. C’est en juillet, à Milwaukee, dans le Wisconsin, que se déroulera la Convention nationale démocrate. Nous saurons alors quel est le candidat que les électeurs démocrates estiment le mieux placé pour empêcher Donald Trump de rempiler à Washington.
par Brice Couturier