"Mon entraîneur est à fond sur la mécanique. Il m'a expliqué que des fois, quand tu quand tu améliores une voiture, tu l'améliores, tu l'améliores et elle devient de plus en plus rapide. Mais il y a un petit moment où tu fais la modification de trop et là, c'est comme si le moteur était trop puissant par rapport à l'extérieur de la voiture et on entend un cliquetis.", Jöna Aigouy
"31 ans est un âge où l'on pense à la reconversion socio-professionnelle. Avec des portes fermées partout parce que j'étais trop vieux, j'ai voulu relancer ma carrière avec ça."
Stéphane Desaulty a 51 ans et il est l’un des rares athlètes français à parler librement de dopage. Spécialisé en 3 000 mètres steeple, il a été douze fois champion de France et faisait partie du top 10 mondial.
C'est très jeune et à la suite d'une mauvaise performance que son entraineur l'encourage à améliorer ses performances : "Le dopage a commencé bien avant, quand j'avais 17 ans. Lors d'un championnat du département de cross, j'ai fini neuvième, alors que j'aurais dû gagner aisément. À la fin de la course, mon entraîneur m'a vu complètement dépité, effondré et il m'a dit : "Ne t'inquiète pas, demain, on va aller voir ton médecin sportif". Le médecin m'a prescrit du fer et j'en manquais tellement que j'ai grimpé aux arbres. Là, il y a eu une forme de réaction en chaîne et je suis devenu addict au fer. Après, j'ai découvert les vitamines B6, B12, le magnésium, le calcium, etc. Tous ces médicaments, j'ai fini par les prendre par voie intraveineuse. Le jour où j'ai fait ça, j'ai attendu d'être seul chez moi, c’était une démarche de camé.", Stéphane Desaulty
En 2001, il a 31 ans, il envisage le dopage comme une solution pour rester dans la course : "En fait, j'ai commencé à faire mes recherches sur la physiologie humaine de l’effort sportif. J'ai étudié par moi-même. Je suis allé dans des bibliothèques, sur internet, sur des forums. Là, j'ai décidé de fabriquer des ordonnances. [...] je me suis prescrit les produits, puis voilà. Je suis devenu un petit chimiste. Mais tous ces protocoles que j'ai rédigé, je suis allé les faire valider par des médecins. Souvent les médecins, ils étaient très, très prudents. Il fallait payer en liquide, et puis ils vous disaient quoi prendre, comment le prendre, etc.", Stéphane Desaulty
Il va ainsi utiliser l'érythropoïétine ou EPO, une substance visant à augmenter la production de globules rouges dans le sang : "Ce n'est pas comme une substance stupéfiante comme la cocaïne qui va faire un effet immédiat. C'est une substance qui va faire un effet sur du long terme : on ne va pas le sentir subitement, mais de façon continuelle. À un moment donné, on va être en haut d'une montagne sans avoir eu l'impression de monter.[...]
J'ai changé vraiment de comportement, de personnalité. Mon corps aussi a commencé à changer et ça n’a alerté personne, personne n'a vu. [...] Les fédérations ne cherchent pas à ce que les gens s'expriment, et ça dérange de parler de ça. Il y a un gros travail à faire, il y a un contexte qui peut l'expliquer. Et si on développe ce contexte, on peut vraiment faire en sorte que les jeunes ne prennent pas ce chemin. Parce que c'est vraiment un chemin de merde.", Stéphane Desaulty
"Oui, je suis médaillée olympique. La particularité : j'ai récupéré la médaille neuf ans après."
Fort heureusement, il arrive parfois que les malheurs de dopage des uns fassent le bonheur des autres.
Manuela Montebrun a 44 ans, elle a été neuf fois championne de France du lancer de marteau. Elle a participé trois fois aux Jeux olympiques : Sydney en 2000, Athènes en 2004 et Pékin en 2008.
À ces derniers, elle se classe cinquième, devant elle, deux athlètes biélorusses. Plus de 8 ans après, on apprend la disqualification de ces deux concurrentes : "De faire cinquième avec 72 mètres, c'était mon meilleur lancer en jeu. Aux Jeux, j'étais plutôt contente. Je ne suis pas ressortie frustrée ou déçue de la compétition en tout cas. [...] J'arrête le sport et j'apprends que j'ai une médaille de bronze aux Jeux olympiques. J'apprends ça par un journaliste qui doit m'appeler pour avoir ma réaction, c'est lui qui me l'a appris. [...] C'est vrai que je l'appelle "la médaille d'occasion" puisque forcément, j'ai récupéré la médaille que Wenxiu Zhang, l'athlète chinoise, avait eue.", Manuela Montebrun
L'obtention d'une médaille olympique s'accompagne d'une rémunération de l'État, mais on peut aussi s'interroger sur l'impact d'une telle récompense sur une carrière de haut niveau : "Pour les Jeux Olympiques, c'est l'État Français qui donne des primes pour les médaillés. J'ai vu un lutteur récupérer une médaille des J.O. de Pékin et la prime, je ne vois pas pourquoi moi, je ne l'aurais pas. Et à la fin, j'ai eu la prime quand même et ce n'est pas négligeable. [...] On ne saura jamais si ma carrière aurait été différente. Mais une chose est sûre : l'année suivante, j'aurais eu de meilleures primes d'engagement.", Manuela Montebrun
- Reportage : Adila Bennedjaï-Zou
- Réalisation : Somaya Dabbech
- Mixage : Dali Yaha
Merci à Jöna Aigouy, Frédéric Dagée, Doriane et Mahé, Stéphane Desaulty, Manuela Montebrun, Renaud Longuèvre et Fodil Dehiba.
Musique de fin - Hockey sur glace à l'italienne, Mondial toboggan