[son de cor de chasse] Et revoilà la chasse dans l’actualité… Alors, pas que la chasse à courre, je dis ça par rapport au cor, mais la chasse en général, qui stresse pas mal de Français, puisque dans un sondage Ifop du 2 janvier dernier, plus des 2/3 ne se sentent pas en sécurité quand ils se promènent à la campagne ou en forêt en période de chasse, et 78 %, donc plus des ¾, se déclarent favorables à ce que dimanche devienne un jour non-chassé. Mais, le gouvernement a tranché cette question, et la réponse est “non”, pas de dimanche non-chassé, avec un argument de taille : « La seule mesure du dimanche sans chasse ne répond pas à la sécurité des 6 autres jours de la semaine. »
Voilà, c’est Bérangère Couillard qui parle, secrétaire d’Etat à l’écologie, mais pour tendre vers l’objectif 0 accident (on dénombre 90 accidents l’année dernière, dont 8 mortels, dont 2 non-chasseurs, ainsi qu’un chasseur qui s’est tué pas plus tard qu’hier en Haute-Corse) elle a annoncé un grand plan, parce que le gouvernement aime les grands plans : 14 mesures, dont voici les 3 principales :
***« Tout d’abord, nous souhaitons un renforcement de la formation décennale. »***C’est-à-dire que d’ici 2029, tous les chasseurs devront être formés de façon pratique à la manipulation des armes tous les 10 ans, parce que ce n’était que théorique jusque-là. Premières nouvelles.
Deuxièmement, un renforcement des sanctions en cas d’alcoolémie « excessive » : « Une sanction de catégorie 4 puis il faudra une mesure législative pour instaurer un délit. ». Donc 135 euros pour l’instant, avant la loi, tu pouvais visiblement chasser bourré jusque-là au passage, sans être sanctionné.
Et enfin, 3ème annonce, à destination, je cite, des « usagers de la nature » : « Nous allons déployer une application numérique dans laquelle les zones de chasse seront recensées. Chaque Français pourra identifier une zone “non-chasseur”, il pourra donc, dans la nature, être certain de ne pas croiser des chasseurs. » Et je suis sûre que Joel Viard tué en septembre dernier dans sa voiture sur une nationale près de Rennes quand une balle l’a touché aurait adoré avoir cette application.
Les associations qui demandaient un dimanche sans chasse sont exaspérées, comme la LPO, présidée par Alain Bougrain Dubourg : « C'est une espèce de réformette qui n'a aucun sens, un véritable mépris inacceptable à l'égard des 80 % des Français qui attendent, et qui attendaient un cessez-le-feu. » Idem côté Aspas avec Marc Giraud : « Toutes les mesures qui ont été prises sont, soit absurdes, soit non-contraignantes. Une application dans des endroits sauvages où il n’y a pas de réseaux, c’est ridicule. Il y a du foutage de gueule là ! » Effectivement, les zones blanches sont encore nombreuses en France. En plus, seules les forêts publiques seront concernées, alors que les ¾ sont privées, et puis, au-delà du fait que les chasseurs hors battus n’auront pas l’obligation de se signaler.
Léa Jaillard, qui a créé le collectif « un jour un chasseur » après la mort de son ami Morgan Keane tué alors qu’il coupait du bois dans son jardin (le jugement sera d’ailleurs rendu jeudi) y voit, elle, une mesure potentiellement contre-productive : « Ça déresponsabilise complètement les chasseurs, en fait. Là, on se demande qu’est ce qu’il se passe s'il y a un accident ou un incident ? C’est la faute du promeneur parce qu'il n’avait pas à être là. Si le chasseur dit : “bah moi, j’avais mis mon petit truc avec la petite bulle de danger sur l’application donc je suis en tord de rien du tout”. Donc je pense qu'en fait, ça va créer des zones encore plus de non-droits où les chasseurs se sentiront encore moins obligés de respecter les règles de sécurité qu'ils ne le font maintenant. Et ils pourront faire encore plus n’importe quoi. »
En ce qui concerne les contrôles, des questions sur les moyens se posent, car l’office français de la biodiversité est déjà sous l’eau. Bref, beaucoup de déception, et c’est peu de le dire, mais les chasseurs avaient prévenu : « Interdire la chasse le dimanche ça serait une déclaration à plus d’1 million de Français ! ». Une déclaration de guerre disait la chasseresse instagrameuse Johanna Clermont, quand le président de la fédération Willy Schraen menaçait d’une campagne « à feu et à sang », et rejette encore aujourd’hui même l’idée de l’application. Pourtant, il est largement ménagé par l’exécutif : « Les chasseurs, ce sont des millions de concitoyens qui pratique cette activité dans la ruralité, c’est une réalité. », [Emmanuel Macron]. Enfin pas exactement, il y a 4 millions de pratiquants d’après les estimations, mais 1.02 million avec un permis de chasse aujourd’hui, je cite les chiffres de la fédération.
Emmanuel Macron qui leur avait écrit en avril dernier aux chasseurs pour leur affirmer qu’il n’envisageait aucune interdiction, et au passage dire au sujet des chasses traditionnelles qu’elles font partie du patrimoine et de l’histoire de nos territoires.
« Il roucoule avec les chasseurs. ». Alain Bourgrain-Dubourg est catégorique : « On n'avait jamais vu autant de cadeaux de la part du château, fait au chasseur. Jamais ! Même avec Sarkozy ou Chirac. Jamais de la vie ! ». Prix du permis de chasse divisé par deux, subventions passées à 6 millions d’euros en 2021 (contre 27.000 euros en 2017). « Naïvement, le président Macron croit qu’en ayant les chasseurs avec lui, il va gagner la ruralité. »
Mais toutes les associations luttent aussi contre cette idée brandie par les chasseurs, comme quoi la chasse serait la ruralité : « Ah “la ruralité”, ça, c’est la bonne blague. Moi ça commence à m'agacer cette espèce de clivage entre les supposés bobos des villes et les ruraux qui auraient tout compris. Mais la ruralité ça n’est pas la chasse. Moi, je suis un rural, et ce sont les ruraux qui en ont marre de la chasse. » Et les chiffres du dernier sondage donnent raison à Marc Giraud de l’ ASPAS : ce sont les ruraux qui se sentent (assez logiquement) le plus en insécurité, à 74 %. Mais il va donc y avoir une application pour se rassurer, et la certitude d’avoir tous les chasseurs formés en 2029.
Ouf, on respire.