Syracuse

Aujourd’hui, on connait surtout Diogène, philosophe du IVe siècle avant notre ère, pour sa vie marginale et son insolence légendaire. On l’imagine donc très mal occuper un emploi en bonne et due forme. Alors, plutôt que de devenir banquier, comme son père Hicésios, Diogène sera faux-monnayeur. C’est du moins ce que racontent beaucoup de témoignages antiques.

Le paradoxe du cynique est que sa pratique de faux-monnayeur tient sûrement à son authenticité éthique. Diogène rejetait le renversement social des vraies valeurs, notamment sur le plan économique. Il s’étonnait de voir que le nécessaire, par exemple du blé, ne coûtait pas grand-chose, alors que le superflu, un bijou par exemple, pouvait atteindre des prix exorbitants. Diogène n’était, bien sûr, pas partisan d’une augmentation du prix des denrées nécessaires à l’existence, il ne faisait que mettre au jour, en philosophe, les absurdités de l’économie. Sa démarche n’est pas politique, mais intellectuelle. Il veut montrer que les systèmes de valeurs économiques ou sociaux sont arbitraires, et qu’on peut vivre à l’écart de ces systèmes.

Une autre anecdote, tirée de sa vie assez incroyable, nous montre combien, en Diogène, le faux-monnayeur et le philosophe ne faisaient qu’un. Après avoir été capturé par des pirates, il aurait dit à celui qui allait le vendre comme esclave : "Vends-moi à quelqu’un qui cherche un maître." Encore une provocation ! Fabriquer de la fausse monnaie, c’est encore, pour lui, une manière de préserver sa liberté et de ne pas dépendre de l’ordre social.

Bibliographie

Diogène Laërce, Vies et opinions des philosophes illustres, livre VI

Tristan Dagron, « Stratégie de survie et idéal éthique : Diogène de Sinope », in Pratiques en santé mentale, vol. 61, 2015

Etienne Helmer, « De quoi la monnaie est-elle la mesure ? Aristote, Diogène et Platon ou la convention monétaire dans l’horizon du politique », in Cahiers d’économie politique, n° 72, 2017

Stéphane Marchand, Le Scepticisme. Vivre sans opinions, Vrin, 2018

Olivier Picard, « Quand la fausse monnaie est prise pour argent comptant », in Dossiers d’Archéologie, « Vrai ou faux ? », n° 312, avril 2006