J'avais un grain, mon grain, c'était non. Non, c'est non. Je ne considère pas que j'ai à servir mes frères parce qu'ils sont garçons. Ce n'est pas parce que je suis une fille que je devais renoncer à mes études. (Gisèle Halimi)
Nous sommes dans les années 30, le colonialisme en Tunisie est à son apogée et il suffit de fermer les yeux pour imaginer l’enfance de Gisèle Halimi à la Goulette : "si les Français trouvent que les Arabes ne sont pas des gens comme nous, ils n'ont qu'à les abandonner à eux-mêmes. Laisser tomber, mais pas nous tirer dessus", écrit-elle dans le Lait de l’Oranger, 1988.
Une majorité de Juifs ont vu dans la présence française un facteur d’émancipation. C'était pour eux, une façon d'échapper, disons, à leur condition minoritaire. (Sophie Bessis)
Gisèle Halimi évoluait et grandissait, entourée de ses frères et de sa sœur aînée. Hormis la révolte constante qui l'animait, un autre événement va marquer son enfance : la perte dramatique d’un petit frère.
Je me dis que finalement, tout ce qu'elle a plaidé, tous ces hommes qu'elle a défendu après, c'était quelque part pour les sauver de la mort... Elle ne raconte pas simplement des ‘anecdotes de sa vie’. C'est beaucoup plus que ça.” (Samia Kassab-Charfi)
Gisèle Halimi est profondément intéressée par la littérature, elle est une élève studieuse qui se jette dans la lecture avec une passion boulimique. Ces livres la transportent dans un monde “dangereux”, celui du féminisme, selon Fritna, sa mère.
"Problème réglé, Gisèle ne servirait plus ses frères ni à table, ni dans la chambre, ni jamais : "l'accord conclu et un premier potage avalé, je me jetais sur les makrouts. Semoule frite farcie de dattes et enrobées de miel spécialement confectionnées par ma grand-mère pour briser la grève. Il accompagnèrent délicieusement ma première victoire féministe !” écrit Gisèle Halimidans le Lait de l’Oranger, 1988.
Apprendre, s’instruire, c’était bien, mais à condition de « ne pas sortir de sa sphère », comme on répétait chez elle. Une question s'impose, comment s’émanciper sans trahir sa famille ?
Lecture de texte : **Refka Payssan **
Prise de son : Romain Luquiens, Nicolas Mathias, Stéphane Beaufils et Clara Galivel
Mixage : **Bernard Laniel **
Archive INA : Haude Vincent
Documentation : Annelise Signoret
Avec la collaboration de : Mariam Ibrahim
Remerciements : Erige Sehiri, Meriem Ben Mansour, Habib Kazdaghli, Karim Miské, Daniel Cohen, Raja Ben Slama
Bibliographie :
- Gisèle Halimi, "Le lait de l'oranger", Ed. Gallimard, 1988.
- Gisèle Halimi, "Une embellie perdue", Ed. Gallimard, 1995.
- Gisèle Halimi, "Fritna", Ed. Pocket, 2008.