Du plus ancien papyrus jamais découvert, celui-ci, sans hiéroglyphes, était vierge, au plus tardif, le papyrus fut, avant tout, le papier de l’ensemble du monde méditerranéen antique et médiéval. Ainsi, ce périple est l’occasion de découvrir le papyrus d’Aï Khanoum (Afghanistan) et son incroyable œuvre aristotélicienne, attribuée à Socrate, ou peut-être à Platon et datée du IIIe siècle avant notre ère. D’évoquer aussi le parchemin de Plouhinec (Morbihan), le papyrus le plus occidental jamais découvert, miraculeusement conservé dans la villa gallo-romaine de Mané Vachen, mais aussi les papyrus de Dagobert et de Clovis II, sans oublier la bibliothèque d’Herculanum et ses textes épicuriens carbonisés. La papyrologie a aussi son actualité, qui sait que des œuvres de Sappho, poétesse grecque des 7e-6e siècles avant notre ère, viennent, voici peu, d’être mises au jour.
"Nous travaillons sur un corpus d'à peu près 70 000 à 80 000 textes déjà publiés et les musées regorgent de centaines de milliers de papyrus encore inédits. Par ailleurs, chaque coup de pioche en Égypte permet de faire remonter à la surface des dizaines, des centaines, des milliers de papyrus !"
"(À propos du papyrus d'Aï Khanoum) Ça fait partie de ces miracles de l'archéologie. [...] En 1977, en fouillant une zone de cette cité qui date d'à peu près de 300 avant Jésus-Christ, les archéologues se sont rendu compte que sur une motte de terre, il y avait des caractères grecs. Et en regardant de plus près, ils se sont aperçus qu'en fait, un rouleau de papyrus avait déchargé son écriture sur cette motte de terre, mais, en négatif. Le papyrus avait disparu entretemps. Et donc, on a réussi à préserver des parties, disons, de cette motte de terre et en faisant des photos évidemment inversées, on a pu lire le texte qui se trouvait écrit dessus."
"Lorsque je dis archéologie des écrits antiques, je pense au fait de ne pas se focaliser simplement sur le contenu du texte, mais aussi sur la façon dont ces textes sont écrits. Et donc, mon métier de papyrologue, c'est aussi de scruter ces modes d'écriture, la façon dont les anciens lisaient, écrivaient et diffusaient les œuvres antiques. Les civilisations antiques ne se définissent pas simplement par le contenu de leurs productions, mais aussi par leur capacité à pouvoir fixer ces productions et à les diffuser."
"L’usage du papyrus est essentiel pour le développement de la civilisation, en tout cas pour en fixer la mémoire" revendique Pline l’Ancien, dans son Histoire naturelle. La papyrologie est aujourd’hui une des sciences de l’Antiquité ayant le plus fort potentiel de renouvellement, avec une masse considérable de textes à éditer, provenant de fouilles ou de collections.
"Nous avons énormément de papyrus à l'époque gréco-romaine, mais nous n'avons pas énormément de documents qui permettent de nous faire une idée très claire de la récolte et de la fabrication du papyrus. Le seul texte qui nous permet de rentrer un peu dans les ateliers de fabrication du papyrus, c'est un texte de Pline l'Ancien, dans son 'Histoire naturelle', où Pline consacre plusieurs pages à la fabrication du papyrus. Malheureusement, il utilise un vocabulaire très technique qui n'a pas encore permis de lever toutes les incertitudes sur les modalités de fabrication de ce matériau."
Le Cyperus papyrus Linné a désormais quitté les marais et les rives du Nil pour mieux tomber dans l’oubli, Jean-Luc Fournet, professeur au Collège de France, le réhabilite aujourd’hui, au travers d’une belle exposition Le papyrus dans tous ses États, de Cléopâtre à Clovis, qui se tient jusqu'au 26 octobre au Collège de France (11, place Marcelin Berthelot 75005 Paris).
"Il est probable que les deux papyrus récemment publiés sont, d'une part, un papyrus de Sappho qui a livré de nouveaux vers de la poétesse Sappho, et un papyrus connu sous le nom de papyrus d'Artémidor, qui est un rouleau assez important qui contient le début du livre deux de la géographie d'Artémidor d'Éphèse."
Avec Jean-Luc Fournet, papyrologue, professeur au Collège de France (chaire Culture écrite de l'Antiquité tardive et papyrologie byzantine), ancien membre scientifique de l'institut français d'archéologie orientale du Caire, puis chargé de recherche au CNRS.
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