"Des fortifs au périph, une frontière autour de Paris ?" c'est le sujet du documentaire de Séverine Liatard et Anne Franchini qui interroge à l'heure où l'on reparle du Grand Paris et des rapports de la capitale avec certaines de ses banlieues, sur la coupure qu'instaurerait cette couronne. Un tour en voiture qui est aussi l'occasion de retracer l'historique de cette voie en nous interrogeant sur la notion même de frontière, en compagnie de Mathieu Flonneau, historien, spécialiste de l'automobile et Pierre-Alain Trévelo, architecte qui participe au réaménagement contemporain du périphérique.
Le périphérique, toute une histoire depuis 1840
Le périphérique de Paris, voie rapide et circulaire qui entoure la ville, a été construit entre 1957 et 1973 en reprenant partiellement le tracé des anciennes fortifications érigées entre 1840 et 1845 par Adolphe Thiers. Cette enceinte militaire, remise en cause dès sa construction, militairement obsolète, a été conservée par une certaine inertie et est devenue anachronique après la Première Guerre mondiale.
Démantelée en 1919, il a fallu réfléchir à une nouvelle affectation de cette zone laissée vide. Des débats ont lieu dès les années 30 sur une éventuelle ceinture verte à aménager et à valoriser pour donner un poumon de respiration à la ville. Cet espace de 400 m de largeur est devenu, en l'absence de projet concrétisé, une zone en déshérence où des gens se sont installés, faisant naître des bidonvilles. On décide alors la création de 40 000 logements.
Le périphérique, un grand chantier gaullien
Ce documentaire nous permet aussi de nous plonger dans des archives sonores de la construction puis de l'inauguration du boulevard périphérique en avril 1973 Porte Maillot, où le dernier tronçon a été terminé, par le Premier ministre Pierre Messmer. Il parle de "succès du point de vue de la circulation" ainsi que d'une "grande œuvre". Selon Mathieu Flonneau, le périphérique fait en effet partie des grands chantiers gaulliens de la période au même titre que le paquebot France, le programme nucléaire, et comme point d'orgue, le Concorde.
Le périphérique, un territoire paradoxal
Le territoire du périphérique offre beaucoup de vide et cette perception du vide est très particulière, on ne la trouve ailleurs à Paris que sur les bords de Seine. Une telle ouverture, une telle présence du ciel est très rare dans la conception de Paris, fait remarquer Mathieu Flonneau. C'est également une configuration que l'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde et qui suscite des frictions avec la capitale, c'est une autoroute urbaine "projetée dans la densité parisienne de manière très forte" selon Pierre-Alain Trévelo.
Cette voie circulaire est un territoire paradoxal à plusieurs titres. Si l'on peut considérer le boulevard périphérique comme la dernière enceinte parisienne, elle est malgré tout, et les chiffres le montrent, pleinement franchissable.
Est-on alors vraiment face à une frontière matérialisée par le périphérique ? Est-on face à un objet anti-urbain, anti-parisien ? Pour l'architecte Pierre-Alain Trévelo c'est au contraire l'espace physique qui donne sa définition la plus claire de Paris, à savoir sa définition concentrique, or toute l'histoire parisienne est concentrique. "C'est l'objet le plus parisien que l'on peut imaginer" et qui a une place centrale dans la métropole.