La politique industrielle est redevenue une priorité économique et politique en France, Sarah Guillou explique que, ce qui nous semble aujourd'hui, n'a pas toujours été une évidence : "le rapport Gallois a été vraiment emblématique de cette prise de conscience qui existait, qui préexistait à sa publication. Mais il a donné une visibilité au problème, il a propagé l'idée d'un point bas atteint pour l'industrie dans le pays, il en a mis en avant les dangers, les risques. Et puis il y a eu aussi le Covid qui a montré les ruptures de stocks de médicaments, les médecins en sac-poubelle parce qu'il n'y avait pas de blouses. Donc, le grand public a réellement vu et subi les dangers de la désindustrialisation et de la perte de substance de l'industrie. Depuis, il y a une sorte de réenchantement de l'industrie".
Mais ce volontarisme politique d'une réindustrialisation à marche forcée ne s'est pour l'instant traduite que par des sacrifices budgétaires, selon l'économiste Vincent Vicard : "c'était optimiste aujourd'hui. Sur les 35 milliards d'euros du plan de relance qui était dédié à l'industrie, il y a 20 milliards en baisses d'impôts de production, ce qu'on a appelé les impôts de production, comme la suppression de la CVAE, qui sont des baisses pérennes. C'est ce type de mesures de baisse d'impôts qui privent l'État d'un certain nombre de ressources et qui ont contribué assez largement à la situation budgétaire dans laquelle on est aujourd'hui. Alors les impôts de production touchaient plus l'industrie que le reste de l'économie, et donc c'était l'objectif justement de toucher plus l'industrie, mais sans contrepartie demandée. Les politiques se sont dit qu'on allait favoriser l'industrie, la subventionner en réduisant les impôts et que ça allait effectivement créer de l'emploi. Ce qu'on observe, depuis sept ans, c'est qu'effectivement cette stratégie qui visait à augmenter l'emploi par les baisses d'impôts a eu un résultat limité et en tout cas a contribué à la situation dans laquelle on est aujourd'hui. Et ce n'est pas forcément extrêmement étonnant, car oui, augmenter l'industrie, ce sont des politiques coûteuses, des politiques coûteuses sur le temps long."
Selon Nadine Levratto, les politiques qui s'appliquent sans discriminations et sont décidées depuis Bercy n'ont pas l'effet escompté pour la réindustrialisation contrairement à des politiques plus territorialisées : "L'autre politique, qui tend à se développer grâce à l'apport de l'économie géographique, c'est ce qu'on appelle les « place-based policies », donc les politiques territorialement ancrées. En France, l'un des exemples en matière industrielle est le dispositif « territoire d'industrie ». Ce dispositif "territoire d'industrie", qui labellise des projets qui sont montés par un élu local avec quelques EPCI et un industriel, vise à éviter la désindustrialisation sur des territoires anciennement industriels et à créer de nouvelles industries. Alors, la première phase des territoires d'industrie n'était dotée d'aucun moyen. C'est ça qui a fait l'originalité de cette mesure, c'était principalement de l'animation du territoire. Et petit à petit, sur la phase 2 qui est en cours, il y a une toute petite dotation, 200 millions qui sont sans commune mesure avec les 70 milliards d'exonérations de cotisations sociales, pour financer des animateurs sur ces territoires."
Archives :
Michel Barnier 12 /09/2024 et 1/10/2024 (LCP)
Emmanuel Macron à Dunkerque 12 mai 2023 (BFM TV)
Patrick Martin le 24/09/24 (France Info)
Xavier Bertrand 19/12/2022 (BFM TV)
