Syracuse

Note de la rédaction : le sujet abordé et le contenu de l'émission peuvent choquer la sensibilité des auditeurs. Nous vous recommandons de ne pas le mettre entre toutes les oreilles.

L'inceste concernerait 4 millions d'enfants en France, en 2020, soit deux enfants par classe. Un tabou tristement répandu auquel on a du mal à se confronter.

Mathilde Brasilier est journaliste, architecte et aujourd’hui écrivaine. Quand elle nait, ses parents ont déjà trois enfants et sont résidents de la Villa Médicis. Son père, félicité par De Gaulle et Malraux, a obtenu le prestigieux Prix de Rome en 1957. La famille évolue dans la connivence et la confidentialité du quartier de Saint-Germain des Prés où elle habite un hôtel particulier. "Tous ces gens-là font bonne figure. Mon père aussi, il était distingué mais ambigu."

Tous les milieux peuvent être concernés par l'horreur de l'inceste

Les enfants de la famille sont nourris de culture dans un milieu d'artistes. Son père, impressionnant par son savoir, son intelligence, est un pédagogue reconnu à l'Ecole des Beaux-Arts. Pour autant Mathilde Brasilier lui décrit un côté "je sais tout" étouffant et un tempérament assez froid. Avant sa thérapie avec Catherine Dolto, Mathilde Brasilier devient adulte et vit avec le souvenir d'une enfance privilégiée et heureuse : "Jusqu’à mes 40 ans, j’avais le souvenir d’une enfance idyllique même si j’ai toujours eu beaucoup de difficulté à soutenir le regard de mon père." Elle raconte : "J*’ai effacé le viol comme après un accident de voiture où l’on ne se rappelle de rien, à 10 ans j’étais amnésique."*

Quand le traumatisme revient à la mémoire des victimes

À l'occasion de ces entretiens avec Catherine Dolto, refait surface, brutalement et dans les moindres détails, le traumatisme occulté de l'inceste qu'elle et son frère subissaient. Jusqu'à ce déclic, Mathilde Brasilier était victime d'amnésie traumatique. Elle raconte alors les violences sexuelles de leur père et bourreau, ainsi que le silence qui s'installe autour d'eux, dans un milieu qui évolue en vase clos et où l'on ne fait pas de vagues. "C’était tellement traumatisant, c’est ressorti dans la même journée très précisément, sans flou, c'était comme un film qui se déroulait."

Pendant des années, elle connait, en plus de spasmophilie chronique, d'incessantes insomnies, terrifiée à l'idée que son père fasse irruption dans sa chambre. Elle ne peut alors s'endormir sans l'aide de médicaments. Sa mère, inquiète, sait ce qu'il se passe, mais semble incapable d'empêcher les agissements du père. Mathilde commente : "J’avais des petits yeux fatigués mais je faisais bonne figure."

Un tabou difficile à lever : des familles au destin tragique

Son drame personnel est doublé de celui de son frère Fabien, au destin tragique. Lui ne connait pas d'amnésie traumatique durant son enfance et sa jeunesse. Il se souvient de tout et lance un jour à son père : "Après ce que tu m'as fait, je n'ai plus rien à te dire". Il se garde pourtant de rappeler ce souvenir à sa sœur. "Le fait d’être à deux nous rendait plus fort, mais c’était insupportable de voir l’autre souffrir."

• Reportage : Stéphanie Thomas
• Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Morceau de fin : "Stay Alive" par José Gonzalez.

Pour en savoir plus :

Un podcast visant à briser le silence autour de l'inceste : "Ou peut-être une nuit".

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