Syracuse

Dans un entretien avec Libération, peu de temps après la mort de Foucault, Daniel Defert dit : "Je ne pouvais pas parler pour lui, mais je ne pouvais pas ne rien faire". Quelques semaines plus tard, Aides voit le jour. Cette association pour aider les malades du sida, Daniel Defert la crée pour faire son deuil, mais aussi, car pour lui, il n’y avait pas d’autres possibilités pour rendre hommage à son compagnon de vingt ans. Cette mort, "il n'était pas question d'en faire un étendard parce que c'était contraire à l'éthique médicale. Mais il n'était pas question d'en faire une honte ou un silence. Il fallait trouver une solution et la seule solution, c'est de faire quelque chose et pas de dire quelque chose."

À la mort de Michel Foucault en 1984 et à la création d'Aides quelques semaines plus tard, le sida était encore une maladie qui conservait bien des mystères. Le mode de transmission était inconnu et les traitements encore plus. Daniel Defert explique avoir vu "les plateaux repas qu’on ne venait pas retirer, car on ne voulait pas entrer dans la chambre du malade. Puis, pour entrer dans la chambre du malade, il fallait mettre un bonnet et des chaussons, s’emmitoufler. On ne savait pas si c'était pour protéger l'immunodépression du malade ou se protéger soi. C'était très, très ambigu. On était habillé comme des cosmonautes, on ne savait pas très bien qui protégeait qui. Donc il y avait véritablement une peur de cette maladie et c'était ça l'enjeu véritablement."

Une association sur "le droit de savoir"

La meilleure solution pour Daniel Defert était alors de transmettre le peu de savoir disponible, mais surtout de s’assurer qu’un soutient soit disponible pour n’importe quelle personne qui en aurait besoin. Il décide de faire d'Aides une association de santé publique, la première en France d’ailleurs pour la lutte contre le sida, car "avoir la vérité sur sa maladie, ça me paraissait être un enjeu important, et je voulais faire une association plutôt juridique, sur le droit de savoir, le droit du malade" plutôt qu’une association uniquement réservée aux personnes homosexuelles.

Avec l’approbation de la mère de Michel Foucault qui dira même à Daniel Defert : "C’est bien ce que vous avez fait pour les malades. Pour lui, il fallait le faire", ce dernier présidera l’association pendant six ans, jusqu’en 1991. C’est ensuite Arnaud Marty-Lavauzelle qui prendra le relais, mais qui mourra lui-même quelques années plus tard du sida.

Générique

Une série d'entretiens proposée par Virginie Bloch-Lainé. Réalisation : Laetitia Coia. Prise de son : Yves le Hors.