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Ces dernières années ont été importantes pour moi sur le plan musical et social, car j'ai exploré l'incorporation de la musique du Moyen-Orient dans le jazz. Cette démarche découle de mon propre voyage pour approfondir mes origines égyptiennes (mon père était égyptien) et je pense que c'est un reflet cohérent à la fois de ma culture américaine (à travers le jazz) et de ma culture égyptienne (à travers la musique du Moyen-Orient). Cet effort a cependant été un défi, car le jazz et la musique du Moyen-Orient sont construits de manière très différente. Alors que les harmonies dans le jazz sont un élément crucial qui définit son propre son, les mélodies traditionnelles du Moyen-Orient n'utilisent généralement pas d'harmonie et se concentrent davantage sur des thèmes à l'unisson. Ainsi, à bien des égards, mes efforts pour fusionner ces deux musiques sont une bonne métaphore de l'individu que je suis, qui continue à explorer et à intégrer ses cultures américaine et égyptienne.
J'ai commencé à incorporer la musique du Moyen-Orient il y a des années, après avoir demandé à mon père des échantillons et il m'a donné un album de l'un des grands chanteurs égyptiens Abdel Halim Hafez. Cela a eu un impact majeur sur moi et a conduit à mes premières compositions fusionnant la musique du Moyen-Orient et le jazz. Quelques années plus tard, le mouvement du Printemps arabe a eu lieu en Égypte à partir de 2011 et s'est largement concentré sur la place Tahrir au Caire. J'ai suivi de près ces événements, à la fois par intérêt pour l'avenir de l'Égypte en tant que pays et par souci pour les membres de ma famille qui résident encore en Égypte, dans les villes du Caire et d'Alexandrie.
En tant que musicien observant le mouvement du Pprintemps arabe en Égypte depuis 2011, j'ai travaillé pour capturer différentes phases du mouvement avec de multiples compositions. L'album “Blues for Tahrir” qui en a résulté est sorti au printemps 2015 et a donné lieu à des tournées aux États-Unis et en Égypte. En 2015 et 2018, entre ces tournées et des voyages supplémentaires pour rendre visite à la famille, j'ai pu me reconnecter avec le pays après mes nombreux voyages près de deux décennies auparavant. Ces visites ont favorisé l'inspiration pour de nouvelles compositions qui font partie de mon nouvel album “In the Valley”. Bien que ces compositions n'utilisent pas toutes un contenu harmonique moyen-oriental, elles sont toutes influencées par un aspect de l'Égypte, de notre culture et de ma famille.
Horus - Nommé d'après l'ancienne divinité égyptienne Horus, qui a la tête d'un faucon et le corps d'un homme, cette composition évoque les sons de la musique classique du Moyen-Orient en utilisant des sons modelés sur les maqams (gammes du Moyen-Orient). Bien que Horus soit une ancienne divinité du ciel, elle fait toujours partie de la culture égyptienne moderne, notamment comme logo d'Egypt Airlines !
The Hive - Une composition destinée à évoquer le Caire d'aujourd'hui et son intensité frénétique entre les gens, le trafic (qui n'a ni voies déterminées, ni feux de circulation), les bâtiments et les bateaux sur le Nil. Pour les yeux occidentaux, une ville comme Le Caire peut sembler chaotique, mais il y a un ordre dans cette folie. Tout comme une ruche débordant d'activité, le Caire possède un système interne qui est beau et étonnant.
Ces compositions et leur inspiration sont profondément personnelles et montrent l'évolution continue de mon travail en tant que compositeur et clarinettiste basse. En plus de cela, les merveilleux musiciens de mon groupe font un travail incroyable en interprétant ce matériel difficile. Le résultat m'apporte de la joie et j'espère qu'il en est de même pour vous !
Todd Marcus, Baltimore, juillet 2021
“Todd Marcus a développé une ligne entièrement moderne, compétitive avec les lignes couramment jouées par les trompettistes, saxophonistes et pianistes. Entre ses mains, la clarinette basse est un instrument de jazz moderne et pertinent, et pas seulement une nouveauté au son chocolaté. Son écriture est ici surprenante, et jouée impeccablement par un superbe groupe. Non seulement il y a une maîtrise de l'harmonie du jazz moderne, mais il y a aussi des moments inattendus très intéressants où les anciennes gammes de ses origines égyptiennes apparaissent et emmènent la musique vers un autre endroit. Ces moments sont mes préférés, alors que d’ordinaire le matériel ethnique me rebute.”
Don Byron, clarinettiste, New York, juillet 2021
“Depuis l'aube des voyages en Méditerranée, l'Égypte est devenue un important carrefour et creuset des civilisations occidentales et orientales. Ce fait est encore vrai aujourd'hui, et pourrait même être frappant pour le nouvel observateur fraîchement débarqué d'un avion. On pourrait multiplier les exemples de la coexistence d'éléments de l'idéologie, de la technologie, de la mode et de la cuisine occidentales et orientales dans la réalité égyptienne. En tant que forme d'art qui absorbe naturellement les caractéristiques de son environnement d'accueil, la musique ne fait pas exception. La musique pop égyptienne est généralement un mélange de rythmes occidentaux à la mode de l'époque qui soutiennent des mélodies orientales très simplifiées. Comme le reste de leurs homologues du Moyen-Orient, les musiciens égyptiens expérimentent depuis longtemps des moyens de trouver un mariage plus profond et plus vrai entre les deux univers musicaux.
Parmi toutes les tentatives que j'ai écoutées, je trouve personnellement que celle de Todd est parmi les plus singulières. L'approche de Todd est l'exact inverse de celle de ses pairs sur le sol égyptien. La plupart des tentatives que l'on trouve ici essaient généralement d'extraire des mélodies orientales établies de leurs habitats monotones naturels et de les adapter à des harmonies occidentales. Cela a donné lieu à des résultats très intéressants. D'autre part, Todd est en train d'établir un savoir-faire qui consiste à associer des échelles orientales à des harmonies occidentales fonctionnelles afin de fournir un vocabulaire vocal étendu et aromatisé pour esquisser des progressions d'accords. Il s'agit d'une approche vraiment nouvelle qui mérite d'être écoutée et contemplée.”
Mina Nashaat, saxophoniste, Le Caire, novembre 2021
(extrait du communiqué de presse en anglais - traduction C. Charbonnier / A. Dutilh)