Syracuse

Je porte un nom breton, mais je n’ai jamais vécu en Bretagne. Il n’empêche que j’ai gardé des réflexes. Par exemple, quand j’entends parler du passé collaborationniste du mouvement breton pendant la Seconde Guerre mondiale, je suis toujours partagée entre mon attachement à la vérité historique et une petite voix qui me dit que c’est aussi une façon pour le pouvoir central de délégitimer le mouvement nationaliste breton comme le pense également Jean Bothorel, ancien membre du FLB : "Je connaissais ce passé par mes lectures, mais je ne pensais pas que dans l'opinion, ça avait encore une prise. Pour beaucoup de camarades du FLB, le "Breizh Atao" n'était pas un chiffon rouge, mais peu d’entre eux avaient une vraie connaissance de ce qui c'est réellement passé. C'était tout de même une minorité."

Mais au cours de cette enquête sur le Front de Libération de la Bretagne, au cours de mes lectures et des interviews, des noms revenaient sans cesse : Yann Fouéré, Yann Goulet, Célestin Lainé et pour la première fois, il m’est apparu évident que je devais fouiller ce passé. Qu’on ne pouvait pas le balayer d’un revers de la main, que ce n’était pas seulement de la propagande jacobine.

Alors, comme nous étions à Brest, nous sommes allés à l’université de Bretagne occidentale, pour rencontrer Sébastien Carney, un historien qui travaille justement sur les origines du mouvement Breiz Atao et les dérives du Parti Nationaliste Breton durant la seconde guerre mondiale et qui nous précise que le mouvement commence par, "une phase régionaliste qui se développe à partir de la fin du XIXᵉ siècle autour de quelques notables locaux, aristocrates en mal de reconversion et qui essayent de faire un rempart contre les idées nouvelles qui sont véhiculées par la IIIe République et essaient de préserver ce qu'ils considèrent comme un peuple originel en développant une politique linguistique culturelle", qui ressurgit en 1918 et "rompt vite avec le régionalisme originel pour tendre vers un nationalisme de plus en plus affirmé, basé sur l'idée que la Bretagne est d'origine celtique, qu'elle a été latinisée, qu'il y a un vernis latin qui recouvre le fond celtique qui a été oublié, que les Bretons devenus français ont dégénéré."

Un peu plus loin, à Trouville, nous avons également retrouvé Vincent Jaglin, réalisateur du film La découverte et l’ignorance – histoire de mes fantômes bretons dans lequel il revient sur son histoire familiale.

Un documentaire de Kristel Le Pollotec, réalisé par Marie Plaçais.

Avec

• Sébastien Carney, historien, université de Bretagne Occidentale
• Vincent Jaglin, cinéaste
• Christian Bougeard, historien
• Jean Bothorel, ancien membre du FLB
• Charlie Grall, ancien membre du FLB
• Yann Choucq, avocat du FLB

Liens

Sébastien Carney : Le mouvement breton au miroir de son historiographie, in Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2016.

Réécriture de l’histoire en Bretagne : dossier rédigé par Marie-Madeleine Flambard, André Hélard, Françoise Morvan et la section de Rennes de la Ligue des Droits de l’Homme, décembre 2000.

Bezen Perrot : The Breton nationalist unit of the SS, 1943-5. Article de Daniel Leach, université de Melbourne, publié dans E-Keltoi : Journal of Interdisciplinary Celtic Studies, juin 2008.

Résistance et conscience bretonne : article de Françoise Morvan à propos de l’ouvrage de Jean-Jacques Monnier, à lire sur le site du Groupe Information Bretagne.