“Elles piquettent l’océan Indien de leurs confettis à peine visibles à l’œil de l’amateur de planisphère”, écrivait d’elles Sylvain Tesson qui en parcourut les plages en 2019 à l'occasion d'une mission de la Marine nationale. Les îles Éparses, écrivait-il encore, “sont devenues françaises par les hasards et les gloires de l’Histoire. Europa, Bassas de India, Tromelin, Juan de Nova, Glorieuses : voilà leur nom.”
Intégrées par Paris au sein des TAAF -les Terres australes et antarctiques françaises- depuis 2005, les îles Éparses portent haut les couleurs du drapeau tricolore. Ce n’est pas l’avis de Madagascar qui en revendique la souveraineté depuis maintenant 50 ans et défend sa cause devant les instances qui arbitrent le droit international. Mais Paris n’est pas prête à se séparer de ces vestiges inhabités de l’ère coloniale, qui lui permettent de jouir de la deuxième plus grande zone économique exclusive au monde. Un empire océanique que la France prétend conserver au nom, officiellement, de la protection de la faune et de la flore.
Quels intérêts stratégiques français les îles Éparses servent-elles ? Comment la préservation de l’environnement et la recherche scientifique sont-elles mobilisées par l’Élysée pour justifier la présence française dans l’océan Indien ? Et enfin, le litige franco-malgache peut-il trouver une issue ?
Julie Gacon reçoit Christiane Rafidinarivo, chercheuse invitée au CEVIPOF Sciences Po, professeur à l’université de La Réunion et présidente de l’Association Océan Indien de Science Politique ainsi que Vonintsoa Rafaly, chercheuse à l’université de Copenhague et docteure en droit de la mer.
Christiane Rafidinarivo revient sur les raisons qui ont poussé la France à conserver les îles Éparses après l’indépendance de Madagascar à laquelle elles étaient traditionnellement rattachées : “En 1960, le général De Gaulle souhaitait garder ces îles pour faire des essais nucléaires. [...] Aujourd’hui, on les conserve surtout pour les immenses réserves gazières du canal du Mozambique, équivalentes à celle de la mer du Nord.”
Christiane Rafidinarivo poursuit en expliquant que la stratégie actuelle de Paris d'insister sur la protection de la biodiversité "constitue un bon moyen de présenter les ambitions territoriales malgaches comme égoïstes et relevant du seul intérêt national tandis que la France, elle, se pose en défenseur du bien commun"
Face à ce litige territorial, la France et Madagascar ont créé une commission mixte en 2019. Une instance à l'ambition bien précise, souligne Vonintsoa Rafaly : “Cette commission est une arène propice au dialogue entre Madagascar et la France mais elle n'aborde pas la question de la souveraineté, sa vocation est uniquement économique.”
Pour aller plus loin :
Seconde partie : le focus du jour
De la Terre Adélie aux Kerguelen : l’eldorado scientifique français
Avec Anne Choquet, enseignante-chercheuse en droit à l’université de Bretagne occidentale et présidente du Comité national français des recherches Arctiques et Antarctiques (CNFRA)
Avec la Terre Adélie, les îles Kerguelen et Crozet, la France est l’un des États possédant le plus de terres dans la région Antarctique. Une position avantageuse néanmoins strictement réglementée par le droit international qui fait de l’Antarctique une “réserve naturelle consacrée à la paix et à la science”.
Selon Anne Choquet, la présence française en Antarctique sert une logique d’influence et de rayonnement international : “C’est un lieu essentiel pour la recherche et la coopération scientifique, mais c’est aussi très stratégique pour la France d’être partie à ce traité international pour prendre part à la gestion du continent et faire avancer ses propositions dans cette région fortement éloignée de la métropole.”
Pour aller plus loin :
Références sonores & musicales
Une émission préparée par Barthélémy Gaillard et Elie Toquet.