Syracuse

12 août 1999, l’homme du Larzac devient l’homme de Millau en démontant au sens propre du terme le restaurant Mac Donald de la sous-préfecture de l’Aveyron. Une action symbolique contre la mal bouffe et le capitalisme international « apatride ». L’image a fait le tour du monde. Pour José Bové, c’est la première peine de prison ferme pour avoir protester contre une décision de l’OMC, celle de permettre que l’Amérique sanctionne certains produits français agricoles dont le Roquefort, suite au refus de l’Union Européenne d’importer des Etats-Unis de la viande de vaches élevées aux hormones de croissance. José Bové explique que le démontage du McDo n'aurait jamais eu lieu sans la bataille du Roquefort et du boeuf aux hormones qui est le symbole à la fois de "l'industrialisation absolue de l'agriculture et la standardisation de l'alimentation". José Bové explique que le GATT, quand il se transforme en l'OMC, introduit l'agriculture et les services dans la mondialisation, ce qui n'existait pas auparavant :  "Nous voulions démontrer par cette action la transformation radicale des modèles agricoles et de la régulation des marchés agricoles au niveau mondial."

Lutter contre la privatisation du vivant et des semences

Le début d’une interminable suite de condamnations pour vol, destruction de semences transgéniques, entrave volontaire à la navigation, pour "violence en réunion" et séquestration, pour entrave à l’exercice de la liberté du travail, sans compter les jours-amendes, les dommages et intérêts pour différents préjudices… Interdit de séjour dans de nombreux pays, José Bové est considéré comme un criminel multirécidiviste. Le 22 juin 2003, il est incarcéré à la prison de Villeneuve-Lès-Maguelone où il doit purger une peine de prison ferme de dix mois pour des destructions de plants d'OGM appartenant à Novartis le groupe pharmaceutique Suisse. "Le fait d'être en prison dans le cadre d'une dynamique d'action non-violente de désobéissance civile, ça faisait avancer encore plus rapidement les choses car ces combats s'inscrivent dans la durée", analyse-t-il.

José Bové détaille le positionnement de l'organisation paysanne : "Le début de la bataille, c'est la lutte contre la privatisation du vivant et des semences. On s'est positionné sur la question des OGM à partir d'un constat simple si on laisse les OGM, on ouvre la porte à la privatisation du vivant, puisqu'en réalité, les OGM avaient deux objectifs : rendre les plantes insensibles, notamment le maïs et le soja aux pesticides, et notamment au Roundup herbicide. Et ensuite, grâce à cette modification, la plante pouvait être brevetée." Jacques Chirac le graciera le 14 juillet. Nécessité politique ? L’homme de Millau venait-il de faire trembler la République ? En tout cas, il poursuit ses combats et avec le temps, fini par accumuler les victoires. Autant de luttes qui vont le mener aux marches du pouvoir. Lorsqu’il quitte la Confédération Paysanne en 2004, José Bové s’apprête à affronter son nouveau destin.

Une série d'entretiens proposée par Alain Lewkowicz. Réalisation : Guillaume Baldy. Attachée de production : Daphné Abgrall. Prise de son : Jérémy Tuil. A Coordination : Sandrine Treiner.

Pour en savoir plus

• Le monde n’est pas une marchandise : des paysans contre la malbouffe, entretiens avec Gilles Luneau, José Bové et François Dufour (Ed. La Découverte, 2000).
• Chronique d'un printemps paysan, documentaire d'Herta Alvarez, 2000.

Bibliographie sélective

• Nous, Paysans, José Bové et Gilles Luneau (Ed. Hazan, 2000).
• Le monde n’est pas une marchandise : des paysans contre la malbouffe, entretiens avec Gilles Luneau, José Bové et François Dufour (Ed. La Découverte, 2000).
• Paysans du monde, José Bové (Ed. Fayard, 2002).
• Pour la désobéissance civique, José Bové et Gilles Luneau (Ed. La Découverte, 2004).
• Hold-up à Bruxelles : Les lobbies au cœur de l'Europe, José Bové et Gilles Luneau (Ed. La Découverte-Pöche essais, 2015).
• L'alimentation en otage, José Bové et Gilles Luneau, cartographie Hugues Piolet (Ed. Livre de poche, 2016).
• Du sentiment de justice et du devoir de désobéir, José Bové et Erri de Luca, conversation animée par Gilles Luneau (Ed. Indigène, 2016).