Syracuse

Anne-Christine Fontaine vit avec ses deux filles majeures, et les trois chiens de l’une d’elles, dans un appartement exigu, où elle a des difficultés à trouver un peu de calme - elle nous lit un extrait d’un livre qu’elle a écrit, “Une lueur d’espoir”.

Ces adultes, plus ou moins jeunes, qui sont partis de chez leurs parents, et qui reviennent habiter chez eux quelques mois ou quelques années, après une séparation, une période de chômage ou un accident de la vie, sont nombreux. Une étude du ministère de la santé, en 2020, en comptabilise près d’un million. Un million de personnes qui se retrouvent à partager des espaces toujours plus petits.

Parce qu’il faut le noter, la taille de nos logements a beaucoup diminué depuis 50 ans, c’est ce que nous explique la sociologue Monique Eleb, l’autrice Mona Chollet et la psychanalyste Lydia Flem. Cette dernière analyse : “Les jeunes générations ont beaucoup plus de peine à trouver du travail et donc aussi un espace personnel pour y vivre. C'est pourquoi la maison familiale ou l'appartement des parents, est un lieu où ils espèrent trouver une certaine sécurité. Résultat, il y a un réaménagement réel de l'espace, au sens aussi où chacun investit cet espace. La question est de savoir, comment partage-t-on cet espace pour que chacun y trouve sa place”. D’autant plus, qu’elle explique qu’il est difficile de partager l'espace car, “nous sommes comme d'autres mammifères, nous avons besoin de marquer notre territoire. Et si l’on veut bien le partager dans certaines occasions et avec certains protocoles, on veut surtout que personne n'y touche et ne le transforme par sa présence.”

Mais se sentir prisonnier chez soi, ce n’est pas qu’une question de taille des pièces : nous prendrons un thé avec Bilal, retourné sous la contrainte vivre chez sa mère Sylvia pour quelques mois. Puis nous irons à la rencontre de Perle, séparée du père de ses enfants depuis six mois mais sans ressources suffisantes pour quitter le logement commun, elle confie : “L'image de la prison correspond assez à mon profil puisqu'en fait, je suis dans un espace dont je voudrais sortir, mais je ne peux pas en franchir la porte. Donc oui, j'ai un espace limité, défini, où je suis malgré moi.”

Comme Perle, de très nombreuses femmes sont coincées « à domicile », ce que nous analyserons avec la sociologue Anne Lambert, spécialiste des liens entre l’espace et le genre : “À la séparation, les femmes sont souvent obligées de quitter le logement et de repartir en locatif par exemple. On retrouve beaucoup de familles monoparentales dans du logement social. De ce fait là, il y a pour elles un déclassement assez fort au moment de la séparation”.

Nous terminerons par Jade, qui a vécu presque toute son enfance en foyer, et qui sait mieux que personne ce que signifie partager un espace.

Un documentaire d'Elodie Font, réalisé par Véronique Samouiloff.

Avec :

Anne-Christine Fontaine,

Sylvia et Bilal,

Perle,

Anne Lambert , sociologue, spécialiste des liens entre l’espace et le genre

Lydia Flem , romancière et psychanalyste, auteure du livre « Comment j’ai vidé la maison de mes parents ».

Monique Eleb, sociologue,

Mona Chollet, autrice, entre autres, de « Chez soi », aux éditions Zones.